Survie

Afrique : une micro-assurance de proximité pour une couverture santé généralisée

Publié le 7 juin 2007 - François Lille, Sharon Courtoux

11e Réunion régionale africaine de l’OIT (Organisation internationale du travail) à Addis-Abeba

Afrique : une micro-assurance de proximité pour une couverture santé généralisée

BIT en ligne - No. 14 - Mardi 24 avril 2007

Près de 90 pour cent de la population d’Afrique subsaharienne n’est pas couverte contre le risque de maladie ou d’accident. Pour aider les plus défavorisés et vulnérables à parer aux risques de l’existence, la protection sociale est un moyen puissant de réduction de la pauvreté souligne le rapport préparé par le Bureau international du travail (BIT) pour la 11e Réunion régionale africaine. Le programme mondial STEP (Stratégies et techniques contre l’exclusion sociale et la pauvreté) du BIT œuvre pour l’extension de la protection sociale et l’accès aux soins aux personnes exclues des systèmes de sécurité sociale existants. L’une de ses stratégies repose sur la microassurance santé.

DAKAR, Sénégal (BIT en ligne)

 Fatou S. et son mari vivent avec leurs quatre enfants à Pikine, banlieue dakaroise surpeuplée où le secteur informel prédomine largement. Le mari de Fatou travaille à son propre compte comme menuisier. Ses revenus varient en fonction des commandes de ses clients, et il n’est pas toujours en mesure de subvenir aux besoins de la famille.

Fatou, elle, a décidé de monter un petit commerce multiservices. Alors même qu’elle avait obtenu un prêt pour l’aider dans son entreprise, son fils âgé de 5 ans est tombé malade, atteint de paludisme. Pour payer les frais d’hospitalisation, Fatou a dû utiliser l’argent du crédit alloué par la Mutuelle d’épargne et de crédit de Icotaf Boubess (MECIB) et destiné initialement à financer la création de son commerce.

Les dépenses de santé constituent la principale raison d’utilisation détournée des microcrédits et de leur non-remboursement. Elles peuvent réduire à néant les efforts consentis par les ménages pour se sortir de la pauvreté. Aussi, quand, en 2003, la MECIB a mis en place un système qui permettait de couvrir les besoins de ses membres en matière de santé, Fatou y a tout de suite adhéré.

La MECIB de Pikine est une caisse d’épargne et de crédit qui est affiliée à l’Union des mutuelles du partenariat pour la mobilisation de l’épargne et du crédit au Sénégal (UM- PAMECAS), union qui compte plus de 250 000 sociétaires.

Pour sécuriser son portefeuille de crédit et répondre à une demande croissante de ses membres, le réseau a créé une mutuelle de santé avec l’appui technique du programme STEP. Le système de microassurance santé fonctionne sur la base de petites cotisations et couvre les consultations, les hospitalisations, les accouchements et les médicaments. Les adhérents sont pris en charge efficacement sur place grâce à la bonne collaboration du personnel des postes de santé, centres de santé et pharmacies privées qui ont participé à la conception des outils de gestion.

Cependant, la plupart des systèmes de microassurance santé en Afrique rencontrent des difficultés au niveau du recouvrement des cotisations et de leur financement. Le paiement direct est problématique pour les adhérents, et la gestion du recouvrement mensuel est à la fois lourde et coûteuse pour les systèmes. De plus, le financement des cotisations dépasse souvent la capacité contributive d’un grand nombre de familles de l’économie informelle, notamment en milieu rural.

« Le problème n’est pas tant que les populations n’ont jamais d’argent disponible au cours de l’année pour accéder à des soins, mais qu’elles n’ont pas cet argent au moment où les personnes tombent malade », explique Christine Bockstal coordinatrice du programme STEP en Afrique. STEP tente, entre autres, de favoriser la mobilisation de l’Etat autour de l’extension de la protection sociale en santé. « Si les populations font un effort pour payer une partie de leurs soins, l’Etat doit, de son côté, canaliser des subsides à travers un système de mutuelles de santé pour que toute personne qui cotise puisse bénéficier d’un cofinancement par l’Etat pour accéder à un paquet essentiel de services de santé ».

Les systèmes de microassurance permettent d’introduire un mécanisme novateur en matière de financement, le montant des cotisations pouvant être partagé entre plusieurs acteurs : contribution directe des adhérents, employeurs, coopératives, administrations, Etat, etc. De plus l’association microassurance/microfinance permet de faciliter le recouvrement des cotisations. Les mécanismes de prélèvement automatique ou « à la source » (par exemple sur le montant de la vente de la récolte) évitent aux membres d’oublier de payer ou de se déplacer à des kilomètres pour s’acquitter du paiement des cotisations.

Du fait d’un ancrage communautaire ou local, les systèmes de microassurance ont généralement moins de problèmes de fraudes et de détournements que les systèmes centralisés d’assurance sociale, dans la mesure où les membres se connaissent, appartiennent à la même communauté et partagent les mêmes intérêts. Cette proximité sociale facilite la communication et la sensibilisation de la population, l’adéquation du paquet de services couverts aux besoins exprimés par la population et donc l’extension du système au niveau de la communauté.

« Une population en bonne santé est une population productive », ajoute Christine Bockstal. « La couverture santé contribue notamment à la lutte contre la pauvreté de manière directe en offrant une protection financière et donc en évitant que les ménages frappés par la maladie tombent dans la pauvreté, et de manière indirecte à travers son impact positif sur la performance économique et la productivité. »

Selon le rapport intitulé Agenda du travail décent en Afrique, « le principal défi à relever pour la protection sociale en Afrique consiste à l’étendre de manière que tous aient accès aux soins de santé et jouissent à tout le moins d’un niveau minimal de sécurité du revenu. C’est seulement ainsi qu’il sera possible de faire du droit à la sécurité sociale, tel qu’il est énoncé à l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, une réalité sur le continent africain (...) Multiplier les initiatives visant à assurer une protection sociale de base est un moyen viable de réduire la pauvreté et l’insécurité dans les pays de l’Afrique subsaharienne. »

Un nombre croissant de gouvernements africains considèrent la microassurance comme un instrument très utile pour développer la protection sociale et l’inscrivent dans les stratégies qu’ils adoptent à cet effet 3/.

* * * Pour plus d’information (rapports, communiqués de presse, etc.) sur la 11e Réunion régionale africaine à Addis-Abeba, veuillez consulter :

1/ L’Agenda du travail décent en Afrique : 2007-2015. 11e Réunion régionale africaine, Addis-Abeba, avril 2007. Rapport du Directeur général, Bureau international du Travail, Genève, 2007. Version électronique :

2/ Pour plus d’information sur le programme STEP, veuillez consulter :

3/ Pour plus d’information sur la microassurance comme outil d’extension de la protection sociale, veuillez consulter :

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