Survie

Agro-carburants, bio-carburants, qu’en penser ?

Publié le 26 mars 2007 - François Lille, Odile Tobner

Ces derniers temps, émergeant du flot des prémisses présidentielles, beaucoup ont été frappés par la diffusion de la « bonne nouvelle » de l’engagement des industries agricoles, énergétiques et automobiles vers des carburants enfin verts, propres, écologiques en un mot. De la canne à sucre brésilienne au marin-pêcheur breton recyclant ses déchets de poisson pour alimenter son diesel, on a eu droit à une belle série d’exemples dont l’intérêt, chacun dans son contexte, est incontestable. Vive l’éthanol donc ? Rouler propre, c’est nos autos qui vont être contentes ! Et nos agriculteurs rassurés, devant ce nouveau et fabuleux marché... C’est la fièvre des « biocarburants », que l’on devrait plus exactement appeler « agrocarburants » : les combustibles fossiles aussi sont des produits d’origine biologique. Mais quel est donc le sens réel de ce qui ressemble fort à une grosse campagne de publicité déguisée ?

Certes il ne faut pas tout rejeter en bloc, car la valorisation énergétique des déchets biologiques est - parmi d’autres - une piste intéressante à bien des égards. Mais ce n’est pas une panacée, et d’ailleurs ce n’est pas de cela qu’il s’agit : si la question commence à "intéresser" sérieusement les multinationales agronomiques et les marchés financiers, c’est parce qu’il s’agit de rien moins que d’orienter une partie de la production agricole mondiale vers ce nouveau et vorace marché. Au delà des agricultures productivistes et excédentaires européennes, on voit se dessiner l’utilisation de grandes surfaces agricoles de pays déjà en déficit alimentaire pour alimenter nos moteurs en manque de pétrole. Ce nouveau pactole pour les multinationales agricoles paraît très lié à l’utilisation massive d’espèces génétiquement modifiées (OGM).

Il ne faut pas non plus tout mélanger. Que le Brésil emprunte ces chemins fait partie des moyens choisis par ce pays pour sortir sa population d’une situation en tous points difficile, mais n’a évidemment pas valeur de modèle mondial. L’humanité, globalement, doit prendre conscience avant tout que son agriculture a tout son monde à nourrir. Six milliards et demi maintenant, avec une énorme frange de sous-alimentation de 850 millions que l’on ne parvient pas à résorber, neuf milliards en 2050, des terres cultivables en diminution qualitativement et quantitativement... Manger au sud ou conduire au nord, faudra-t-il choisir ?

Et même si l’on s’en tient à l’économie de l’énergie, oubliant un bref instant tout le reste, il est peu crédible que ce soit une solution miracle contribuant à sauver et propager le mode de vie insoutenable des populations les plus énergétiquement dépensières du monde.

Au delà de cet appel quelque peu abrupt à la vigilance, nous reviendrons très prochainement sur les termes du débat.

François Lille

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