Survie

Climat, les pays industrialisés sont des "éco-terroristes"

Publié le 13 janvier 2005 - Survie

Extraits tirés d’une dépêche AFP, Kiribati, 13 janvier 2005.

Les pays industrialisés, qui contribuent au changement climatique avec l’émission de gaz à effet de serre, commettent des actes "d’éco-terrorisme", a accusé jeudi à Port-Louis Anote Tong, président de Kiribati, atoll du Pacifique menacé par la montée de eaux.

"Notre avenir paraît morne au regard du changement de climat (...) et de la montée du niveau de la mer", a déclaré Anote Tong, lors d’une réunion de l’Onu sur les petites îles en développement. "Nous estimons réelles ces menaces. Ces actes délibérés de la
part de certains, destinés à sécuriser leurs bénéfices, au détriment des autres, peuvent être comparés à un acte de terrorisme, d’éco-terrorisme
", a-t-il ajouté.

"(...) La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates et totales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre", a-t-il poursuivi. "Nous appelons ces pays qui ont récolté les bénéfices de la destruction de l’environnement à aider ceux qui vont maintenant payer le prix de ces processus irréversibles", a encore lancé le président de la République de Kiribati. M. Tong s’exprimait à un mois de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, qui impose à 38 pays industriels de réduire leurs rejets de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. (...).

Kiribati, atoll de 726 km2 où habitent quelque 90.000 personnes, fait partie des pays les plus menacés dans le monde par la montée des eaux, avec les Maldives, Tuvalu et les îles Marshall. (...)


Un réchauffement climatique de plus de 6 degrés n’est pas à exclure

Extraits tirés du Monde, France, 29 janvier 2005.

Le réchauffement climatique paraît inéluctable en raison des quantités de gaz à effet de serre relâchées par l’activité humaine depuis le début de l’ère industrielle. Le taux de gaz carbonique (CO2) est ainsi passé de 280 ppm (partie par million) en 1750 à 360 ppm aujourd’hui. Et le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoyait en 2001 que ce taux pourrait atteindre 540 à 970 ppm d’ici à 2100.

Que se passera-t-il si le taux de CO2 double d’ici à la fin du siècle, voire avant ? La réponse n’est pas simple, car la sensibilité du climat, sa réponse lente ou brutale à cette nouvelle situation, demeure encore inconnue. Le prochain rapport du GIEC, en 2007, devrait être consacré à ce thème, qui, confirme Jean Jouzel, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace, "est au cœur des incertitudes du changement climatique".

En témoigne une étude de Dave Stainforth (département de physique de l’université d’Oxford, Grande-Bretagne) et de plusieurs chercheurs britanniques publiée dans la revue Nature du 27 janvier. Selon elle, un doublement du CO2 pourrait donner lieu à des hausses de températures de 1,9 °C à 11,5 °C.

Or, les experts du GIEC estimaient que cette fourchette resterait comprise entre 1,5 °C et 4,5 °C. Lors de la dernière réunion de travail du groupement, qui s’est tenue à Paris du 26 au 29 juillet 2004, les spécialistes se sont mis d’accord sur une hausse moyenne de température de 3 °C.

Les travaux publiés dans Nature tranchent avec cet optimisme. Ils ont été obtenus grâce à l’utilisation d’une méthode originale menée dans le cadre du programme Climateprediction.net. Cette expérience, lancée officiellement en 2002 (...) consiste, pour mener des simulations climatiques, à recourir à un très grand nombre de personnes (étudiants, scientifiques), et donc d’ordinateurs plutôt que de faire appel à un centre de calcul unique et ultrapuissant. 62 000 personnes appartenant à 130 pays ont participé à cette opération. (...) Pour réaliser cette étude, 2 750 simulations ont été réalisées sur quinze ans (...). Pour chaque simulation, six paramètres relatifs à la formation des nuages et à leur passage à la pluie ont été dotés de deux ou trois valeurs. Au final, le réchauffement observé s’échelonne entre 1,9 °C et 11,5 °C, mais la plus grande partie des résultats varie entre 4,2 °C et 8 °C.

"Nos résultats montrent (...) qu’une grande sensibilité du climat au CO2 ne peut être négligée", explique Dave Stainforth. Avec ses collègues, il envisage d’effectuer les mêmes simulations avec une quinzaine de paramètres supplémentaires, et de modéliser la période 1950-2100, en utilisant cette fois un modèle d’océan dynamique.

Pour le climatologue Jean Jouzel, ce travail britannique est "très intéressant car la démarche est nouvelle et complémentaire des simulations réalisées sur de très gros calculateurs, tel Earth Simulator, au Japon. (...) Cela montre bien que l’on joue avec le feu".

Dans leur dernier rapport, les experts du GIEC estimaient que le réchauffement climatique prévu pour la fin du siècle pourrait varier de 1,4 °C à 5,8 °C. "On ne peut exclure que le réchauffement soit supérieur à 6 °C à la fin du siècle si on ne fait pas attention", prévient Jean Jouzel. (...)

Par Christiane Galus


Point de non-retour

"Une bombe écologique est en marche, car le réchauffement climatique approche un point de non-retour", précise un rapport réalisé par le Public Policy Research (Grande-Bretagne), le Center for American Progress (Etats-Unis) et un institut australien. Intitulé "Meeting the climate challenge", ce texte demande aux pays industrialisés membres du G8 de diminuer leurs émissions de gaz carbonique, de doubler leur budget de recherche sur les technologies vertes et de travailler en concertation avec l’Inde et la Chine pour mettre en œuvre le protocole de Kyoto. "Il devient urgent, précise le rapport, que le réchauffement de la planète n’excède pas 2 °C de plus que la température existant en 1750. Ce qui pourrait être obtenu en maintenant les émissions de gaz carbonique à un taux inférieur à 400 ppm."

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