Survie

Haro sur une « spoliation »

Publié le 4 février 2003 - Vincent Corcères

Libération, France, 4 février 2003.

La privatisation d’EDF risque de coûter des milliards d’euros à l’Etat. Une affirmation paradoxale signée du collectif Jean Marcel Moulin formé par des cadres dirigeants d’EDF anonymes. Ces derniers partent des estimations faites par les banques d’affaires pour démontrer que la collectivité nationale a tout à perdre à une telle transformation. En effet, selon les normes comptables privées, le passif de l’entreprise (ses engagements) est supérieur à son actif (45 à 70 milliards d’euros, selon les évaluations). Le passif prend en compte la dette, le démantèlement futur des centrales nucléaires, le retraitement des combustibles irradiés, les concessions des collectivités locales pour les réseaux de distribution et les retraites. Qui plus est, le passage dans le privé renchérirait ces engagements : un investisseur privé a tendance à limiter les risques en calculant les charges futures au plus large. Au final, le passif d’EDF pourrait atteindre plus de 100 milliards. Conséquence, l’entreprise est invendable en l’état. A moins que l’Etat reprenne à sa charge ces engagements, en garantissant le passif nucléaire ou une partie des retraites. Les auteurs de dénoncer « cette démarche en cours » qui aboutirait « à l’étonnant paradoxe dans lequel l’Etat vendrait EDF en apparence pour quelques dizaines de milliards d’euros, tout en reprenant à sa charge des engagements futurs équivalents, voire supérieurs ». Conclusion des auteurs, il s’agit d’une « spoliation » pour les Français.

Par Nicolas CORI et Muriel GREMILLET

© Libération

a lire aussi