Survie

Kerguelen

Publié le novembre 2003 - Survie

La naissance d’un nouveau système

En France, le gouvernement (en particulier, Jacques Chirac, alors Premier ministre) a travaillé à la constitution d’un pavillon de complaisance propre au pays dès 1986. La création d’un tel pavillon était censée constituer une solution admissible au règlement de la crise de la flotte marchande française. Ainsi furent créés, par arrêté ministériel le 17 juin 1986, les registres dit "Kerguelen" (officiellement « TAAF », pour « Terres arctiques et australes françaises ») pour les navires de charge et "Wallis et Futuna" pour les navires de croisière. Ce sont typiquement des « pavillons bis » au sens où nous les avons définis dans la fiche "Glossaire", disponible sur ce lien.

Kerguelen : fiche d’identité d’un pavillon bis

Dans les faits et selon l’arrêté de 1986 régularisé par la loi de 1996, le pavillon Kerguelen offre aux sociétés armant les navires le bénéfice d’allègements fiscaux et salariaux très intéressants. Il permet d’employer jusqu’à 65 % de marins étrangers (hors Union européenne) rémunérés et traités aux conditions présumées de leur pays d’origine. Le reste de l’équipage, notamment le capitaine ainsi que l’officier chargé de sa suppléance, doit par contre être français. De plus, avec ce système, les charges sociales sont remboursées à 50 % par l’Etat français.

Bilan

La France a opté pour cette alternative afin de rendre sa marine plus compétitive. Aujourd’hui, politiques, marins et organisations de la société civile en tirent un bilan négatif... pour des raisons différentes...

Au niveau officiel, Henri de Richemont, sénateur français, estime que le pavillon Kerguelen est "trop fragile et pas assez compétitif dans le cadre international actuel". Sa solution : aller encore plus loin dans la déréglementation sociale via un nouveau système intitulé le Registre international français (cf. fiche sur le RIF sur ce lien).

En parallèle, les marins boivent la tasse et les organisations se battent contre "l’exceptionnalité" inacceptable offerte par ces pavillons. Pour François Lille, dans son ouvrage intitulé Pourquoi l’Erika a coulé, "le pavillon bis français des îles Kerguelen est un défi de moralité publique. Kerguelen est une coquille vide, un faux semblant, c’est un exemple d’atteinte aux droits de la personne humaine : l’acceptation sur une portion de territoire national de deux statuts sociaux différents, d’un apartheid local, d’une forme de discrimination raciale dans le travail, que n’importe quel tribunal sanctionnerait sévèrement dans n’importe quelle entreprise de France métropolitaine et d’outre-mer."

En fait cela va encore plus loin : de deux statuts on passe à des statuts multiples pour lesquels la référence même aux conditions du pays d’origine devient un alibi commode. Via ces pratiques de pavillons de bis, le marché mondial maritime se libéralise jusqu’à l’asservissement de ses travailleurs. Le projet « RIF » vise à donner à ces pratiques, en France, le cadre légal qui leur manquait encore.

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