Survie

Le médicament, un bien public mondial à conquérir

Publié le 13 novembre 2003 - Survie

Jeudi 13 septembre à 9h, au cinéma Pathé Salle 8, 2 quai Marcel Boyer d’Ivry.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme reconnait à la santé le caractère de droit fondamental. Pourtant, les multinationales pharmaceutiques occidentales (« Big pharma »), soutenues par les États occidentaux, font pression pour imposer la suprématie de la propriété intellectuelle sur ce droit fondamental, au détriment de millions de vies humaines. Les monopoles assurés par les brevets et l’absence de transparence permettent aux laboratoires privés de fixer arbitrairement les prix des médicaments qu’ils produisent, générant ainsi des profits colossaux. Les tarifs qu’ils pratiquent empêchent les pays en développement d’accéder aux médicaments, alors qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort pour leur population, et ils mettent en péril les systèmes de protection sociale des pays favorisés, fruits de décennies de conquêtes sociales. Faire du médicament un bien public mondial permettrait de le sortir de la logique mercantile et financière.

Les principaux thèmes abordés :

L’accès aux médicaments dans les pays industrialisés :

 Valérie VAN BELLE, Alliance nationale des mutualités chrétiennes de Belgique : la part des médicaments dans les dépenses de santé augmente dans les pays industrialisés. Les entreprises pharmaceutiques ont réussi à créer de nouveaux besoins en influençant les patients et les prescripteurs. Ces dépenses sont maîtrisables, la Nouvelle Zélande n’autorise qu’une seule marque par principe actif : celle qui présente le meilleur rapport qualité prix. Le nombre de visiteurs médicaux par médecin peut également être limité. Les dépenses publicitaires des firmes pharmaceutiques sont 2 fois plus élevées que les dépenses de recherche. Une information objective, transparente, systématique et récurrente sur les médicaments est nécessaire, elle ne peut-être laissée aux seuls laboratoires privés.

 Omar BRIXI, Fédération des mutuelles de France : la boulimie médicamenteuse des pays développés n’est plus considérée comme un progrès en soi et peut même être nuisible. Une évaluation systématique et indépendante de l’utilité des médicaments doit être faite. La responsabilisation des patients "par la facture" n’est pas une solution, l’État doit jouer son rôle de pouvoir public et favoriser une véritable "démocratie sanitaire", tant au sein de l’assurance maladie qu’en responsabilisant les médecins devant leurs patients.

 Lourdes GIRONA, Federación de Asociaciones para la Defensa de la Sanidad Pública en Espagne : les résultats des essais cliniques - nécessaires pour démontrer l’efficacité et l’innocuité d’un nouveau médicament - restent la propriété du laboratoire pharmaceutique qui les a lancés, alors qu’ils sont réalisés par les médecins dans des centres hospitaliers universitaires publics. Les laboratoires monopolisent l’information et présentent la nouvelle molécule comme une innovation thérapeutique, alors qu’elle n’est le plus souvent ni plus efficace, ni plus sure, mais coûte beaucoup plus cher. Les laboratoires américains disent dépenser 840 millions de $ pour trouver un nouveau médicament, mais les estimations faites par Public citizen montrent qu’il s’agit plutôt de 240 millions de $.

L’accès aux médicaments dans les pays en développement :

 Jean-Pierre UNGER, Forum social de Belgique : dans les pays en développement, les médicaments essentiels sont hors de portée de la majorité de la population, notamment faute de moyens de distribution adaptés : il ne peut y avoir d’accès aux médicaments sans accès aux soins. L’initiative de Bamako avait commencé à apporter une solution en exigeant la démocratisation des services publics dans la distribution des médicaments, mais le manque de volonté des Nations Unies, et la politique d’aide au développement menée par les pays industrialisés, qui tend à limiter leur rôle aux seuls programmes de contrôle des maladies, ont stoppé cette expérience. Nous sommes face à une véritable "bombe sociale", la stabilité du Tiers-Monde et de la planète sont en danger.

 Fred EBOKO, politologue et anthropologue : sur quelque 40 millions de personnes vivant avec le virus du sida dans le monde, 70 % sont des Africains. Or, moins de 1 % d’entre eux a accès à une polythérapie. Fin 90, alors que des traitements existaient depuis 10 ans en occident, on parlait uniquement de "prévention" en Afrique, au prétexte que les Africains ne sauraient pas suivre rigoureusement une thérapie. Les malades les plus démunis ont démontré le contraire dans le cadre de projets pilotes de Médecins Sans Frontières, associant des réseaux de médecins et de conseillers psychosociaux aux patients et à leur entourage. Tout individu sait se soigner quand il en va de sa survie. Mais les États africains sont fragiles et faibles face aux pressions des laboratoires occidentaux, et la solidarité Nord/Sud est capitale pour y faire face.

Propositions d’alternatives

 Laurent ZIEGELMEYER, Collectif la santé n’est pas une marchandise et Sud chimie Aventis Vitry : les maladies touchant les populations pauvres ne font plus l’objet de recherches, contrairement aux "blockbuster" dont le marché potentiel dépasse le milliard de dollars. Il faudrait recenser les molécules efficaces déjà découvertes, mais dont la production a été abandonnée faute de (super)rentabilité suffisante. Les États occidentaux soutiennent totalement l’industrie pharmaceutique, protégent les brevets, cautionnent les fusions et autres plans sociaux. Des alternatives émergent, comme au Brésil où 130 000 personnes accèdent gratuitement à la trithérapie grâce à la production de génériques développés par un laboratoire gouvernemental.

 Gaëlle KRIKORIAN, Act-Up Paris : le prix des médicaments est une entrave majeure à son accès dans les pays du Sud, du fait des monopoles assurés par les brevets, mais il n’est pas une fatalité. L’industrie pharmaceutique prétendait ne pas pouvoir diminuer ses prix de plus de 30 %, sans « rogner » sur les coûts de production. Mais des laboratoires publics et privés, au Brésil, en Thaïlande, en Inde... produisent aujourd’hui des copies d’antirétroviraux à des prix de 95 à 99 % moins chers que ceux pratiqués par les laboratoires occidentaux. Le sida tue près de 10 000 personnes par jour. Chaque jour qui passe est catastrophique. Il faut absolument simplifier la solution proposée par l’accord sur l’accès des pays pauvres aux médicaments approuvé le 30 août 2003 par 146 pays de l’OMC. Les gouvernements doivent utiliser les outils mis à leur disposition : licences obligatoires, importations parallèles etc. et refuser les accords bilatéraux encore plus contraignants que les règles de l’OMC que tentent de leur imposer les États-Unis (ex : E-U Maroc)

 François-Xavier VERSCHAVE, Biens publics à l’échelle mondiale : le médicament doit être considéré comme un bien public, qui ne peut être défendu qu’à l’échelle mondiale, car les épidémies n’ont pas de frontière et on ne peut piétiner la déclaration universelle des droits de l’Homme. Nos systèmes de santé ne pourront supporter longtemps le racket imposé par les brevets et les monopoles, contraires aux règles du marché prônés par les libéraux. Des alliances doivent se développer, entre le Nord et le Sud, entre associations de malades, syndicats, mutuelles etc. pour inverser cette logique mortifère.

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