Survie

Le projet RIF déposé au Sénat navigue en eau trouble...

Publié le 10 décembre 2003 - Odile Tobner

Il y a à peine plus d’un an, la catastrophe du Prestige venait faire écho aux heures noires de l’Erika. Aujourd’hui, les marées noires continuent, et ce malgré la priorité affichée par nos décideurs d’améliorer la sécurité maritime.

Demain, jeudi 11 décembre, les sénateurs français discuteront de la création d’un véritable pavillon de complaisance français : le Registre international français (RIF). Cette proposition de loi cherche en effet à remplacer le pavillon-bis français TAAF (des Kerguelen) par un nouveau système qui balaie en quelques pages toutes les composantes essentielles du contrat social français ! Ce qui était trop souvent toléré sous pavillon Kerguelen devient légal ici. Pourtant la sécurité des navires ne pourra être améliorée si l’on ferme les yeux sur les conditions dans lesquelles vivent et travaillent les équipages…

La Commission des Affaires économiques du Sénat a déjà largement débattu le 3 décembre dernier autour de la "loi Richemont" et, nous venons de l’apprendre, a modifié le texte initialement proposé. La question est-elle si sensible qu’il ait été décidé de rendre le nouveau texte public avant hier, c’est-à-dire la veille même du délai de clôture des amendements ? Cette publication était pourtant fondamentale pour permettre un véritable contrôle citoyen du texte !

Ce qui est sûr en tous cas, c’est qu’à la lecture du document un changement apparemment essentiel est notable. L’article 3 de la première proposition de loi a disparu.

Ancienne version de l’article 3 de la proposition de loi RIF : En matière de droit du travail, de droit syndical et de sécurité sociale, les navigants employés à bord des navires immatriculés au registre international français sont soumis aux seules dispositions qui leur sont expressément applicables de par la présente loi, dans le respect des engagements internationaux et communautaires de la France.

A la place, on trouve un article pour le moins neutre où il n’est plus question que d’environnement et de sécurité maritime… A première vue, ce changement pourrait paraître positif puisqu’il ne semble plus être question d’abolir le droit du travail, syndical et de sécurité sociale. Pourtant, la réalité de ce texte reste toute autre. L’essentiel des dispositions est maintenu, voire aggravé : si la mise entre parenthèses du droit social français devient implicite, la discrimination entre marins français et étrangers, embarqués sur un même bateau, n’en reste pas moins légalisée, ainsi que son moyen privilégié, le recours à des marchands de main d’œuvre…

Les derniers changements de forme ne semblent pas être de nature à empêcher le nouveau pavillon « français » de devenir "socialement compétitif et attractif" dans la galaxie des pavillons de complaisance. C’est la motivation principale, ouvertement affichée, du projet. Feront-ils passer la pilule auprès de parlementaires saisis au pas de charge ? Espérons que non.


Agir ici, Attac et BPEM, réunis dans le cadre de la campagne "Trafics en mer : Marins en galère !", se joignent aux syndicats maritimes pour dénoncer la création de ce pavillon de complaisance à la française ! Un courrier a ainsi été envoyé à l’ensemble des sénateurs leur demandant de s’opposer au vote d’une loi qui consacrerait des pratiques destructrices de l’ordre social.

Contact presse : Laetitia Guidi, Agir ici

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