Survie

Néréïs, un projet au service de la santé publique

Publié le 24 juin 2003 - Victor Sègre

Les salariés de Romainville ont élaboré un plan alternatif au démantèlement du centre. Si Aventis acceptait de mettre la main à la poche, la sauvegarde d’un potentiel de recherche de haut niveau, dans un domaine, les maladies infectieuses, où les besoins sont immenses, pourrait être assurée.

Logique de santé publique contre logique de rentabilité financière. Voilà quatre années déjà qu’un bras de fer oppose les salariés d’Aventis-Romainville à la direction du groupe. En 1999, lors de la naissance d’Aventis, résultat de la fusion de Hoechst et de Rhône-Poulenc, le sort en était jeté : parce qu’il représente à leurs yeux une charge trop lourde, insuffisamment génératrice de profits, les patrons du groupe, le cinquième mondial dans la pharmacie, décident de se débarrasser de Romainville, premier centre de recherche privé en France. Ils cherchent d’abord un acquéreur, en vain. Et optent finalement pour le démantèlement, déguisé (mal) sous un plan de restructuration prévoyant la suppression de plus de 600 emplois, le transfert de 400 autres et la création sur le site romainvillois d’un vague « parc technologique », où seule une petite activité de recherche serait maintenue et où pourraient s’installer des start-up dans les nouvelles technologies. L’intégrité d’un potentiel scientifique unique en son genre, qui a permis la découverte et la production de nombreuses molécules, est mise en cause. La recherche sur les anti-infectieux, domaine d’excellence des équipes de Romainville, est sacrifiée. « Non prioritaire », a-t-on tranché dans les hautes sphères de la multinationale. Formule pudique pour ne pas dire : trop peu rentable.

Dès 1999, les salariés du centre, avec leurs syndicats et le soutien d’élus communistes, décident de tout faire pour empêcher le couperet de tomber. Comment laisser tracer une croix mortelle sur la recherche de médicaments anti-infectieux alors que, de l’avis même de la communauté médicale, les défis ne cessent de s’accumuler dans ce domaine : multiplication des résistances aux antibiotiques, augmentation des infections nosocomiales, faiblesse de l’arsenal thérapeutique contre les maladies fongiques et parasitaires... Chaque année, selon l’Organisation mondiale de la santé, 17 millions de personnes meurent des seules maladies infectieuses. Nombre des victimes de ces affections ont, il est vrai, le tort de ressortir de pays africains, du tiers-monde plus généralement, bref, de ne pas être solvables.

Devant la menace d’un gâchis énorme, le personnel de Romainville ne se contente pas de protester, de manifester : il décide de travailler, avec l’aide d’experts, à l’élaboration d’un plan alternatif à celui de la direction. Début 2003, leur bébé naît. Baptisé Néréïs, il consiste en la création, avec les équipes et les matériels existants, d’une structure originale de recherche et développement, principalement dédiée à la lutte contre les maladies bactériennes et fongiques. Ses concepteurs envisagent aussi de lui adjoindre, en collaboration avec des instituts, organismes publics ou semi-publics, une unité de recherche sur les maladies rares et/ou délaissées. Ce centre pourrait avoir comme partenaires, pour la coopération scientifique, des organismes comme le CNRS, l’INSERM ou l’Institut Pasteur. Il pourrait aussi répondre à des commandes émanant de l’OMS ou de Médecins sans frontières, ou encore de petits laboratoires privés, intéressés par l’accès à des structures de développement du médicament. Cette structure comprendrait aussi un centre de formation aux métiers du médicament.

La réalisation de Néréïs implique un engagement minimal de la part d’Aventis, sous la forme de mise à disposition des locaux, de cession de matériel, mais aussi d’une mise financière estimée à 350 millions d’euros en cinq ans. Pour l’heure, la direction du groupe, tout en jugeant le projet digne d’intérêt, refuse de s’y impliquer. Elle en aurait pourtant largement les moyens : Aventis a réalisé un bénéfice net de 1 milliard d’euros en 2002, en hausse de 2 %, et ses résultats pour le premier trimestre 2003 sont meilleurs que prévu. Les auteurs du projet tablent également sur l’implication de la région Île-de-France - laquelle a déjà marqué son intérêt -, en particulier pour financer le centre de formation. Ils font aussi valoir qu’une implication financière de la Caisse des dépôts pourrait être justifiée, dans la mesure où un tel centre contribuerait au maintien de « l’indépendance thérapeutique » de la France et de l’Europe. Présenté dans divers ministères, Néréïs a suscité l’intérêt des pouvoirs publics. Pour réussir dans leur entreprise de sauvegarde d’un potentiel de recherche de haut niveau, les salariés de Romainville attendent plus que des mots.

Par Yves Housson

Site internet de NEREÏS : http://www.nereis-sante.com

URGENT :

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