Survie

Sida : le Brésil menace un labo

Publié le 25 juin 2005 - Survie

Extraits du Nouvel Observateur, France, 25 juin 2005.

(...) Le gouvernement brésilien a ouvert la voie vendredi 24 juin au non-respect du brevet d’un médicament antisida du laboratoire américain Abbott en raison de l’échec des négociations pour en faire baisser le prix.
Le médicament Kaletra du laboratoire Abbott, faisant partie d’un cocktail d’antirétroviraux, a été déclaré vendredi d’"intérêt public", ce qui devrait conduire le pays à ne pas respecter ce brevet si aucun arrangement ne peut être conclu, a annoncé lors d’une conférence de presse le ministre brésilien de la Santé Humberto Costa.
Le coût de ce médicament représente un tiers du prix du cocktail.
Après avoir reçu notification de la décision du gouvernement brésilien, le laboratoire américain aura dix jours pour indiquer s’il l’accepte ou non.

"Sous licence obligatoire"

Le ministre explique que le médicament sera déclaré libre de droit, sous "licence obligatoire", si Abbott n’accepte pas de réduire le prix du Kaletra "afin de garantir la viabilité du programme national de lutte contre le sida".(...)

Les pays en développement, dont le Brésil, ont manifesté leur inquiétude au sujet des nouvelles dispositions des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prévoyant que les molécules mises sur le marché après 1995 par les grands laboratoires pharmaceutiques occidentaux sont susceptibles d’être protégées par des brevets d’exclusivité de 20 ans.

Or l’accès à des ARV toujours plus récents, qui peuvent coûter jusqu’à dix fois plus cher que les copies bon marché d’ARV de première génération, est une nécessité compte tenu des phénomènes de résistance aux traitements, qui se développent lorsque le virus du sida (VIH) trouve des parades, grâce à ses mutations fréquentes.
(...)

© Le Nouvel Observateur


Programme MTS/sida brésilien

Le gouvernement brésilien déclare que l’antirétroviral Kaletra
est d’intérêt public et le produira au Brésil

Extraits tirés de CNW-PRN, Canada, le 24 juin 2005.

(...) A ce titre, le gouvernement brésilien fera appel à la licence obligatoire du médicament, au cas où le fabricant ne ferait pas le nécessaire pour garantir la pérennité du programme MTS/SIDA national. Un avis officiel transmis vendredi au laboratoire donnera à la société l’occasion d’indiquer si elle envisage ou non de remédier à cette situation dans l’intérêt du public.

Le laboratoire aura de 10 jours à compter de la réception de cet avis pour informer le ministère de la Santé du Brésil qu’il est prêt à réduire le prix de vente de Kaletra selon les niveaux de production nationaux. Son autorisation évitera l’adoption d’une licence obligatoire.

Cette licence permettra au gouvernement d’autoriser le Laboratoire
Farmanguinhos, de Fiocruz, à produire le médicament, exclusivement à l’usage du public et non à des fins commerciales. Cette mesure est nécessaire pour assurer la pérennité et la qualité du programme MTS/SIDA brésilien, lequel vise à protéger la vie de près de 170 000 brésiliens cette année.

(...) Le nombre de patients utilisant des antirétroviraux au Brésil est passé de quelque 36 000 en 1997 à 170 000 aujourd’hui. Entre 2004 et 2005, plus de 20 000 personnes ont participé au programme. Quinze types de médicaments antirétroviraux sont distribués gratuitement. Lancé en 2002, Kaletra est prescrit aux patients qui ont déjà développé une résistance aux autres médicaments.
Pour garantir à tous l’utilisation de la toute dernière génération d’antirétroviraux, le ministère de la Santé a augmenté de 50 % les ressources consacrées au programme, qui sont passées de 620,9 millions de reais à ses débuts, en 2004, à 945 millions de reais (393,9 millions de dollars américains) en 2005. Près d’un tiers de cette somme, soit 257 millions de reais, sera consacrée exclusivement à l’acquisition de Kaletra.
Selon les prévisions, en 2008, près de 215 000 brésiliens auront besoin du cocktail d’antirétroviraux, ce qui nécessitera un budget de 1,25 milliards de reais (520,8 millions de dollars américains), un tiers de cette somme étant réservée à l’achat de Kaletra. (...) Au cours des quatre dernières années, le Brésil a augmenté les investissements de 77 %, alors que le nombre de patients a progressé de 43 %.

(...) "Le Brésil a à coeur de bien soigner les Brésiliens
qui en ont besoin avec le bon médicament et des traitements à jour. C’est une question d’intérêt public
," a expliqué le ministre Humberto Costa.
Pour faire en sorte que le médicament idéal soit offert à chaque porteur inscrit au programme, le ministère de la Santé doit acquérir les médicaments de la toute dernière génération. Par exemple, l’enfuvirtide, qui appartient à une nouvelle classe d’antirétroviraux, commence à être distribué au prix de
19 000 reais par mois (7 900 dollars américains par patient). Au total, 1200 patients sont actuellement inscrits pour un traitement avec ce nouveau médicament.

Négociation

En mars de cette année, le ministère a entamé des pourparlers
relativement à une licence volontaire avec Abbott Laboratories, Gilead Science Incorporation et Merck Sharp & Dohme. Les médicaments produits par ces laboratoires, c’est-à-dire Kaletra, Efavirenz (Merck) et Tenofovir (Gilead), représentent 66 % du budget global pour l’achat d’antirétroviraux.
Les négociations avec Merck et Gilead se poursuivent. La société Abbott était la seule à s’opposer à la fois à la possibilité d’une licence volontaire et à une baisse des prix assurant la pérennité du programme dans l’avenir.
Depuis l’arrivée du médicament au Brésil en 2002, son prix a diminué de 25 %, un pourcentage considéré faible dans l’absolu, car les coûts de développement diminuent au fil des ans.
(...) Les frais déboursés par le gouvernement pour l’achat du
médicament sont passés de 35,2 millions à 91,6 millions de dollars américains par an, ce qui s’explique par le fait que le nombre de personnes qui ont besoin du médicament au Brésil triple chaque année. (...)

Production nationale

En cas de licence obligatoire, l’Institut de technologie pharmaceutique (Laboratoire Farmanguinhos) de la Fondation Oswaldo Cruz produirait le médicament lopinavir/ritonavir tout en réduisant le prix actuel de presque 50 %. En moins d’un an, Farmaguinhos serait en mesure de produire six millions de capsules par mois, quantité nécessaire pour répondre à la demande nationale. Le prix unitaire du médicament devrait être d’environ 0,68 $US, ce
qui totaliserait près de 130 millions de reais par an pour le programme national.

Farmaguinhos, le plus grand laboratoire officiel du Brésil, produit déjà plus de 60 médicaments, dont des antiviraux. L’an dernier, le gouvernement brésilien a investi 6 millions de dollars américains dans l’acquisition du parc technologique de GlaxoSmithKline, à Rio de Janeiro, en vue de le convertir en un centre de technologie médicale pour Farmaguinhos. Ce centre
produira 10 milliards d’unités pharmaceutiques en 2007.

Le programme

Depuis 1986, le programme MTS/SIDA brésilien garantit des traitements totalement gratuits aux personnes vivant avec le VIH/sida. Depuis le début du programme, les sidéens ont vu leur espérance de vie augmenter de 1200 %, soit de 5 mois à 58 mois. (...)


Le Brésil ne brisera pas le brevet Abbott d’un traitement contre le Sida

Extraits tirés de AP, 9 juillet 2005.

RIO DE JANEIRO, Brésil (AP) — Le Brésil a décidé de ne pas briser le brevet d’un traitement contre le Sida après que les laboratoires Abbott ont accepté d’en baisser le prix sur les six prochaines années, a annoncé vendredi le ministère de la Santé.
(...)

La baisse de tarif accordée par Abbott permettra au Brésil d’économiser 18 millions de dollars (15 millions d’euros) l’année prochaine, et 259 millions de dollars en six ans (216 millions d’euros), a déclaré le ministère de la Santé dans un communiqué.
L’accord donne également l’accès au Brésil à la nouvelle formule du médicament, qui devrait être produite dans deux ans, et le droit de produire une version générique après 2015, a précisé le ministère.
(...)

AP

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