Survie

Trois histoires parmi tant d’autres

Publié le novembre 2003 - Survie

Equipage abandonné des pétroliers Luigi S. et Zagara

Les équipages des deux pétroliers le Luigi S. et le Zagara, bloqués pour le non-paiement de dettes anciennes,
ont été abandonnés le premier dans un port du Monténégro, l’autre en Sicile pendant environ un an.

Selon Arvind Kumar, le capitaine du Luigi S. arrivé à bord le 24 août 1999, "J’ai trouvé un équipage qui n’avait
pas été payé depuis 3 mois, j’ai alors immédiatement envoyé un télex à la compagnie disant que je trouvais cela
complètement injustifiable ; ils m’ont répondu qu’il faudrait encore attendre un mois avant que les salaires et
billets d’avion (..) puissent être obtenus
".

Onze mois plus tard, les deux pétroliers étaient toujours à quai, avec 59 marins indiens, recrutés par une
société de manning de Mumbai et vivant à bord depuis une moyenne de 15 mois sans être payés. Quand les
marins téléphonèrent à Giuseppe Savarese, le même armateur que pour l’Erika, pour lui demander au moins
d’acheter la nourriture qui manquait, il fit de nombreuses promesses... qui restèrent lettre morte.

Environ un an après leur exil forcé, grâce à l’aide du syndicat ITF qui avança de l’argent en attendant la vente
aux enchères du bateau, les marins pouvaient enfin préparer leur retour au sein de leur famille.

Les 15 membres de l’équipage du Victor

Le vraquier letton Victor fut immobilisé à Brest le 4 avril 2000 après une fuite et une panne de générateur. Dans
le même temps, un autre navire appartenant à la même société, Inerjura Servis, basée à Riga, faisait lui aussi
l’objet d’une saisie conservatrice en Belgique.
Au moment de son abandon, l’équipage n’avait pas été payé depuis au moins quatre mois. Dépourvu de
ressources et de réserves alimentaires, l’équipage fut nourri par la solidarité dont fit preuve l’opinion publique.
Le cuisinier du Victor, qui n’avait plus d’eau courante depuis l’avarie du bateau, devait aller chercher l’eau sur le quai à l’aide de jerricans.

Oleg Golikov, le second, déclarait : " je savais que ce bateau était très vieux, mais j’avais besoin de
naviguer pour gagner ma vie. (...) Désormais, il est hors de question que je travaille à nouveau sur ce
bateau. Ce que je veux c’est être payé et retourné chez moi
".

L’équipage refusa de décharger le bateau avant d’être payé.
Grâce à la mobilisation des syndicats et d’associations locales, Oleg Golikov put enfin rentrer chez lui
quelques mois plus tard.

Equipage pakistanais du Delta Pride

Immatriculé au Pakistan, le Delta Pride est resté bloqué 5 mois au large de Tampico (Mexique), après avoir
sillonné les mers depuis 18 mois (Corée, Chine, Turquie, Liverpool, Afrique de l’Ouest, Gibraltar...). Il fut envoyé
dans le golfe du Mexique par son employeur... qui entre temps fit faillite et ne donna plus de nouvelles.

En dehors du capitaine et de deux membres de l’équipage, personne n’avait le droit de débarquer. Les
autorités mexicaines avaient interdit au capitaine de quitter Tampico : il devait tout d’abord s’acquitter des droits portuaires et récupérer les documents de circulation du navire ainsi que les passeports de l’équipage.
L’équipage commença à manquer de nourriture. A bord, il n’y avait plus rien de valeur à mettre en gage et plus
personne ne faisait crédit à l’équipage.
Les hommes menacèrent de se suicider collectivement.

Sources :
Abandoned seafarers in Europe, Collectif Marins abandonnés (FGTE-CFDT, ITF, CCFD, The Mission to Seafarers, Secours catholique Caritas France).

Courrier International, n°437, 18-24 mars 1999, "22 marins oubliés au large du Mexique", Christopher Morris in The New York Times Magazine.

Le Télégramme, "Des Brestois tendent la main aux marins du "Victor"", Fabien Roux, 4/04/2000

Le Télégramme, "Marins abandonnés : des syndicats en appellent au ministre des Transports", Fabien Roux, 11/05/2000

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