Survie

Une justice sans frontieres

Publié le 12 mars 2003 - Victor Sègre

Extraits tirés des Echos, France, 11 mars 2003.

(...) A l’entree de La Haye (...) qui sert à la fois de
centre du pouvoir politique aux Pays-Bas et de
"capitale juridique " au monde, (...) les magistrats de
la CPI, la Cour penale internationale, vont
aujourd’hui prêter serment. Inaugurant, par la même,
une juridiction porteuse de beaucoup d’espoirs,
chargée de poursuivre, non rétroactivement, les
responsables de crimes de guerre, de crimes contre
l’humanité et de génocide. Le projet est ambitieux. Et
on ne peut plus noble : instaurer une justice sans
frontières, susceptible de sanctionner le simple
soldat comme le chef d’Etat. (...)

"C’est un grand pas en avant vers les droits
humains universels et la séparation constitutionnelle
de la justice et du pouvoir
", selon la formule du
secretaire general de l’ONU, Kofi Annan. (...)

Paradoxalement, pour un dossier d’une telle ampleur,
la gestation a été rapide. Plus rapide, en tout cas,
que l’on ne s’y attendait en juin 1998, lorsque le
statut de la CPI a été adopté à Rome. Malgré
l’euphorie du moment, les experts ne croyaient pas
pouvoir mettre la structure sur pied avant une dizaine
d’années. Il en aura fallu moins de cinq. Une célerité
que l’on doit d’abord au lobbying de la société
civile. (...)

"Il va nous falloir montrer que la CPI fonctionne. Et
qu’elle fonctionne bien
", concède Irune Aguirrezabal,
la coordinatrice pour l’Europe de la Coalition pour la
CPI, qui regroupe plus de 2.000 ONG. (...)

S’inquiétant de l’ébauche d’une justice supranationale
potentiellement hostile à leurs ressortissants et à
leurs militaires servant à l’étranger, les Etats-Unis
sont partis en croisade contre la CPI. (...) "La CPI nait dans des
conditions très difficiles. Et à un moment très
difficile
", ajoute un expert, en allusion au retour,
après les attentats du 11 septembre 2001, à une
"politique de puissance ".

Mais les Americains ne sont pas les seuls à bouder la
CPI. Ni la Russie, ni la Chine, ni le Japon, ni bien
évidemment l’Irak n’acceptent de se soumettre à son
autorité. Au Proche-Orient, seule la Jordanie s’y est
ralliée. Aucun pays du Maghreb n’y a adhèré. (...)

Cela n’empêche pas le Canadien Philippe Kirsch, l’un
des 18 juges de la Cour, qui présida, de 1999 a 2002,
la Commission préparatoire pour la CPI, de se dire
"optimiste" . "A Rome, 120 Etats avaient voté en
faveur de la Cour. Ils n’avaient été que 7 à se
prononcer contre. Le ralliement des Etats qui
affichent leurs réserves dépendra de la facon dont la
Cour se comporte. C’est une question de temps.
" Les
critiques de Washington n’ont d’ailleurs pas que des
inconvenients. "Elles montrent que la Cour n’est pas
un organe politique soumis au diktat américain
",
souligne Jeanne Sulzer, responsable justice
internationale a la Federation internationale des
droits de l’homme (FIDH). (...)

L’Americaine Jody Williams, lauréate du prix
Nobel de la paix en 1997 pour son engagement dans la
lutte contre les mines antipersonnel, en est également
convaincue : "Le fait que la CPI ait vu le jour,
malgré les terribles pressions americaines, est en soi
la preuve de son futur succés.
"

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