Survie

Une vraie OME pour contrer l’OMC

L’Europe veut une « organisation mondiale de l’environnement ».

Publié le 20 mai 2003 - Ardiouma Sirima, Président du COFANZO

Libération, France, 20 mai 2003.

A l’heure où le pouvoir de l’ONU est remis en question par l’omnipotence des Etats-Unis, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent en Europe, et notamment en France, pour réclamer la création d’une agence des Nations unies dédiée aux questions d’environnement, une « organisation mondiale de l’environnement » (OME) qui permettrait de faire contrepoids à la toute-puissante Organisation mondiale du commerce (OMC). Est-ce une si bonne idée ? « Oui », maintiennent ses partisans. L’ONU ayant oublié de se doter d’une institution spécialisée pour la protection de l’environnement, ces questions ­ de plus en plus importantes avec la mondialisation ­ sont gérées par tout le monde et donc... protégées par personne. Résultat, dans ses cycles de négociations, l’OMC néglige tout ce qui a trait à l’environnement.

Dispersion. La déperdition d’énergie et de moyens liée à l’absence d’un organisme centralisateur est par ailleurs considérable. Aujourd’hui, au sein de l’ONU, une bonne douzaine d’agences traitent plus ou moins de ces questions (la FAO, l’Unesco, l’Organisation maritime internationale, l’Organisation météorologique mondiale...). Sans compter les quelque 500 accords multilatéraux dont les secrétariats sont dispersés à travers le monde. « Les compétences liées à l’environnement sont tellement éparpillées que la fonction de coordination est très difficile, voire impossible à organiser », explique Narito Harada, de l’association Agir pour l’environnement qui vient de lancer une campagne en faveur d’une OME. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), seul organe de coordination prévu par l’ONU, n’y arrive plus. Avec un budget d’environ 100 millions de dollars par an (soit le budget d’une grosse ONG de protection de l’environnement aux Etats-Unis), il n’est plus à la hauteur des enjeux.

« Machin ». L’idée d’une OME qui pourrait être bâtie sur la base du Pnue n’est pas nouvelle. Il y a quelques années, l’Allemagne l’avait lancée avec le Brésil et l’Afrique du Sud. Le projet s’était enlisé avant d’être remis sur la table en 2001 par la France (alors gouvernée par Lionel Jospin), sous la bannière de l’Union européenne. « C’est une idée qui ressort de façon périodique et qui se fracasse systématiquement sur l’hostilité des pays du Sud » (et des Etats-Unis, qui y voient un frein possible au libre-échange), nous expliquait il y a peu Dominique Voynet, ex-ministre de l’Environnement. « Il faut convaincre les pays du Sud que cette OME ne serait pas un outil protectionniste mis en place par les pays du Nord. » La France reste en pointe puisque les initiatives s’y multiplient. Un avocat lyonnais spécialisé dans l’environnement vient ainsi de créer dans ce seul but l’association Gaia Thémi, avec la faculté de sciences de Nice.

Attention à ne pas créer un nouveau « machin » au sein du « machin », préviennent certains. « Cette OME ne doit pas être une sorte d’artifice qui n’aurait pas de réel pouvoir et casserait ce qui existe déjà », craint ainsi le directeur général de WWF France (Fonds mondial de la nature), Cédric du Monceau. « Nous soutenons forcément ce projet mais une réforme de l’OMC serait peut-être plus utile. »

Par Alexandra SCHWARTZBROD

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