Dossier à télécharger en pdf
La politique de la France en Afrique, depuis les années 1960, a notamment pour objectif le maintien de l’influence française sur ses anciennes colonies et d’assurer aux entreprises hexagonales un accès privilégié aux ressources naturelles du continent, telles le pétrole, l’uranium, les minerais, le bois, etc. De nombreuses entreprises françaises ont ainsi construit leur fortune en Afrique.
Cette politique a été menée par tous les présidents de la Vème République du Général de Gaulle à Jacques Chirac en passant par François Mitterrand ou Valéry Giscard d’Estaing. Sous couvert de l’aide publique au développement (APD) et d’un discours de la France « meilleure amie de l’Afrique », la France a maintenu les régimes en place sous perfusion permettant le pillage de leurs ressources naturelles.
- Nicolas Sarkozy : VRP des entreprises françaises en Afrique
Avec l’arrivée à la présidence française de Nicolas Sarkozy (qui avait promis une rupture avec la Françafrique et les pratiques de ses prédécesseurs), nous assistons non seulement à une perpétuation de cette politique mais également à son regain, caractérisé par une défense affichée et revendiquée des intérêts français en Afrique : ventes d’armes, prolifération irresponsable du nucléaire, conquête de nouveaux marchés par Total, Bolloré, Areva, Bouygues (et bien d’autres) en Angola, au Soudan, au Congo, etc.
Le secrétaire d’État à la Coopération, Alain Joyandet, a d’ailleurs pris les attributs de son homologue du Commerce extérieur en se faisant le porte-voix des seuls intérêts français : « L’implantation des entreprises françaises en Afrique est l’une de mes priorités » (lejdd.fr, 20 mai 2008) ; ou encore : « On veut aider les Africains, mais il faut que cela nous rapporte » (Libération, 24 juin 2008).
S’il paraît légitime que des entreprises privées défendent leurs intérêts dans le monde, le fait que la diplomatie française, mais aussi la Coopération, se donnent quasi essentiellement comme mission de défendre et promouvoir des intérêts particuliers, pose un véritable problème éthique et révèle un renoncement des autorités françaises à la promotion des droits de l’Homme, de la démocratie et à la lutte contre la corruption. Nous assistons ici à un véritable retour en arrière et à une négation des réflexions des économistes du développement.
C’est cette « Coopération business » que Survie entend dénoncer dans le présent dossier en proposant des éclairages sur le rôle de quelques entreprises phares de la Françafrique, fortement implantées sur le continent et qui portent une responsabilité importante dans la situation politique et économique de l’Afrique d’aujourd’hui.
Pour Survie, les responsables politiques français (au niveau de l’exécutif mais aussi du Parlement) doivent au contraire impérativement s’engager à cesser de soutenir les dictateurs et les régimes autoritaires, à promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance, et le respect des droits de l’Homme. Ils doivent s’engager plus en avant dans la lutte contre la corruption (par les entreprises ou hommes politiques français), rendre contraignant le principe de responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises françaises en Afrique (y compris de leurs filiales) et enfin cesser de sacrifier le développement des populations africaines sur l’autel des intérêts économiques d’une minorité.
Au lieu de se lancer, dans le cadre d’une compétition mondiale (avec les États-unis, la Chine, le Canada, etc.), dans une conquête effrénée des marchés africains, la France doit au contraire donner l’exemple et être moteur pour faire changer le droit international et promouvoir un ordre international plus juste, respectueux du droit des peuples à se développer.
- Pillage et dictatures au Sud. Profits du Nord
En effet, le plus souvent, l’implantation de grandes entreprises françaises (et étrangères) en Afrique a un impact négatif sur le développement économique et social : pollution (lorsqu’il s’agit d’entreprises comme Areva ou Total), corruption, pillage des ressources naturelles. Or, compte tenu de la faiblesse des États africains et surtout de l’incurie de la plupart des leurs régimes, il n’existe pas de système de contrôle des activités de ces entreprises, tant au niveau environnemental que social (conditions de travail, niveau de rémunération, etc.).
D’autre part, l’implantation d’entreprises françaises empêche l’émergence d’un entreprenariat local solide, par substitution aux entreprises locales. Les entreprises qui s’implantent sont tournées vers la satisfaction des besoins des pays du nord et non des pays africains. Elles contribuent ainsi à l’extraversion des économies africaines, alors qu’au contraire, les pays africains doivent d’une part subvenir à leurs besoins et d’autre part renforcer leurs marchés intérieurs déjà fragilisés par les inégalités Nord-Sud (inégalité des termes de l’échange, prix des matières premières fixés par le nord, déficit commercial, subvention des agricultures du nord, etc.). Aussi, les bénéfices des entreprises sont rapatriés au nord, dans les banques et parfois les paradis fiscaux. Le solde des flux financiers entre l’Europe et l’Afrique est en fait largement en faveur du nord et non l’inverse.
Il existe également de graves problèmes en terme de transparence, notamment dans l’exploitation des ressources naturelles. En effet, celle-ci donne généralement lieu, avec la connivence des entreprises françaises, à de vastes détournements d’argent par les dirigeants au pouvoir qui ne redistribuent par les richesses aux populations qui ne voient pas de retombées en terme de politiques publiques, de services sociaux, sanitaires, d’éducation ou d’aides aux producteurs, etc. C’est le paradoxe entre richesse naturelle et pauvreté endémique. D’ailleurs, l’implantation d’entreprises françaises dans des secteurs dits de « service public » (eau, transport, électricité, etc.) contribue à fragiliser les États et à la destruction du bien public.
En outre, la corruption et les détournements qui accompagnent les activités des entreprises françaises permettent le financement de régimes répressifs et dictatoriaux et renforcent ainsi leur pouvoir, repoussant vers un avenir incertain les espoirs démocratiques des populations. Entreprises françaises et pouvoir politique s’allient ainsi afin de financer des régimes dictatoriaux à même d’assurer la stabilité dont les entreprises françaises ont besoin pour opérer.
- Une « Coopération business » inacceptable
Basée sur les principes de croissance et de commerce (qui ne profitent qu’à une minorité), la conception française de la coopération défendue par Nicolas Sarkozy et relayée par Alain Joyandet, va à l’encontre des principes même du développement socio-économique et humain. Or, ce paradigme a été depuis longtemps déjà remis en cause par les experts du développement. Ce qui n’empêche pas l’Agence française de développement (AFD) de financer certaines entreprises françaises : au lieu d’oeuvrer pour le développement, la Coopération en revient au principe de l’aide liée.
Au sommaire du dossier :
– Introduction : Pourquoi un dossier « Diplomatie, Business et Dictatures » ?
– Fiche 1 : Histoire de la politique économique de la France en Afrique
– Fiche 2 : Total[itaire] : que serait TOTAL sans le pétrole africain ?
– Fiche 3 : Quand les Rougier « massacrent à la tronçonneuse »
– Fiche 4 : BNP-Paribas : « Pour parler franchement… votre argent m’intéresse »
– Fiche 5 : Angolagate « Quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort »
– Fiche 6 : Le Cameroun de toutes les incertitudes
De nouvelles fiches seront ajoutées prochainement (Dagris, Bolloré, Areva, Congo Brazzaville, Gabon...)
Dossier complet à télécharger en pdf
A LIRE