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Victoire ! Le tribunal ordonne la communication de preuves dans l’affaire Total Ouganda

Publié le 18 septembre 2025 - Arthur Baron

Victoire ! Le tribunal ordonne la communication de preuves dans l’affaire Total Ouganda

Le 18 septembre 2025 - Suite à l’audience du 15 mai dernier dans l’affaire “Total Ouganda”, le tribunal judiciaire de Paris vient de rendre une décision cruciale enjoignant à Total de communiquer des documents considérés comme des éléments de preuve essentiels à la procédure par les demandeurs. Pour les communautés affectées et les associations, c’est une victoire d’étape importante dans l’action en justice lancée il y a deux ans contre Total pour obtenir réparation pour les violations des droits humains causées par les méga-projets pétroliers Tilenga et EACOP en Ouganda.

Pour rappel, cette action initiée en juin 2023 sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance, oppose 26 personnes directement affectées par les projets Tilenga et EACOP, le défenseur des droits humains Maxwell Atuhura, et cinq associations ougandaises et françaises (AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute) au géant pétrolier Total.

Devant le refus de l’entreprise de communiquer certains documents essentiels pour démontrer la responsabilité de l’entreprise, les demandeurs ont dû saisir le juge pour contraindre cette dernière à le faire. Cette demande avait été présentée lors d’une audience du 15 mai 2025 devant le Tribunal judiciaire de Paris [1].

Pour les associations et les communautés affectées, la décision rendue aujourd’hui [2] est une réelle avancée. Elle contribue à remédier à la profonde asymétrie d’information qui existe entre les multinationales, qui sont souvent les seules à détenir certaines preuves déterminantes dans l’examen de leur responsabilité, et les personnes affectées, sur lesquelles repose pourtant la charge de la preuve.

C’est donc un pas important vers un indispensable rééquilibrage qui vient en partie pallier l’absence de renversement de la charge de la preuve, revendication historique des associations pour surmonter l’un des principaux obstacles à un accès effectif à la justice.

Alors que Total avait essayé de se réfugier derrière ses filiales en disant que la majorité des documents leur appartenaient, le tribunal a également souligné que les demandeurs étaient bien fondés à diriger leur demande à la maison-mère, dans le cadre de son devoir de vigilance.

Selon Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France : « Cette décision marque ainsi une victoire décisive dans la lutte contre l’opacité derrière laquelle les multinationales - et Total en particulier - se réfugient trop souvent pour éviter de voir leur responsabilité juridique engagée. Ce fut une dure bataille d’un an pour accéder à ces preuves donc nous sommes soulagés qu’elle ait été gagnée. C’était un préalable important pour que le fond de l’affaire puisse enfin être examiné ».

Ces documents devraient permettre d’évaluer plus précisément le respect, ou non, par Total de ses obligations au titre de la loi sur le devoir de vigilance et d’aider à déterminer l’étendue des préjudices subis par les demandeurs.

Sous la pression de cette demande judiciaire, et à la suite de courriers envoyés par les avocats des demandeurs, les filiales de Total, TotalEnergies E&P Uganda et EACOP Ltd, avaient finalement communiqué, quelques jours avant l’audience, puis juste avant l’été, la quasi-totalité des formulaires individuels des personnes affectées détaillant notamment le montant des compensations versées, ainsi que les rations alimentaires reçues. Par ailleurs, Total avait également fini par transmettre une partie des rapports [3], demandés depuis près d’un an par les demandeurs, via un courrier amiable, puis une sommation de communiquer [4], et enfin via la saisine du juge.

La transmission de la majorité de ces documents est intervenue quelques jours seulement avant le délibéré initialement fixé au 3 juillet 2025, entraînant son report de plus de deux mois [5]. En effet, trois semaines après l’audience de mai, Total avait demandé en catastrophe à ses filiales de transmettre des documents concernés par la procédure et non transmis jusque-là. La multinationale ne s’est pas expliquée sur ce revirement de situation, ni les raisons pour lesquelles elle n’avait pas transmis cette instruction à ses filiales dès les mois de juillet 2024, lorsque les demandeurs avaient demandé à Total ces documents à l’amiable, ni depuis la saisine du juge.

Selon Pauline Tétillon, porte parole de Survie, « il semblerait que Total, pressentant peut-être une décision qui lui serait défavorable, ait cherché à faire bonne figure en dernière minute en demandant à ses filiales de communiquer plusieurs rapports et l’essentiel des formulaires. Pourtant cela faisait des mois qu’elle s’y refusait, se cachant derrière leur prétendue indépendance, malgré le contrôle effectif qu’elle exerce sur elles, argument qui n’a pas convaincu le tribunal ».

Les demandeurs saluent l’injonction faite par le juge à Total de communiquer les dernières preuves que l’entreprise refusait de transmettre jusque là. En particulier, Total avait résisté jusqu’au bout pour ne pas communiquer les rapports établissant les taux de compensation.

Total dispose d’un délai d’un mois pour transmettre les documents manquants, sous peine d’une astreinte de 1 000€ par jour de retard. Nourris de ces nouveaux documents, les échanges d’écriture vont donc reprendre, avant la fixation d’une audience sur le fond, probablement en 2026.

Contacts presse :

· Amis de la Terre France - Juliette Renaud : +33 6 37 65 56 40 - juliette.renaud@amisdelaterre.org

· Survie - Pauline Tétillon : paulettion@protonmail.com

Notes :

[1] Voir la note de presse de mai 2025 : “Total au Tribunal : le dur combat pour l’accès aux preuves”

[2] La décision du tribunal judiciaire est disponible ici.

[3] Les rapports transmis par Total le 25 juin 2025 sont les suivants : les rapports d’achèvement des projets de distribution alimentaire, le suivi de la capacité des populations à produire leur propre nourriture, une partie des comptes rendus du Comité des droits de l’Homme mis en place par TEPU, l’étude sur les inondations réalisée en 2021, ainsi que le rapport du « District Land Board » définissant les taux de compensation pour les cultures.

[4] La sommation de communiquer est accessible ici.

[5] La juge avait également convoqué une nouvelle audience le 10 juillet 2025 pour faire le point avec les deux parties suite aux derniers documents communiqués par Total.

ENGLISH VERSION

Victory ! Court orders disclosure of evidence in Total Uganda case

September 18, 2025 – Following the hearing held on May 15 in the “Total Uganda” case, the Paris Judicial Court has issued a crucial ruling ordering Total and its subsidiaries to disclose documents deemed essential evidence by the plaintiffs. For the affected communities and the supporting organizations, this represents a significant step forward in the legal action initiated two years ago against Total, seeking justice for human rights violations linked to the Tilenga and EACOP mega oil projects in Uganda.

To recap, this legal action was launched in June 2023 under France’s Duty of Vigilance Law by 26 individuals directly affected by the Tilenga and EACOP projects, human rights defender Maxwell Atuhura, and five Ugandan and French organizations (AFIEGO, Friends of the Earth France, NAPE/Friends of the Earth Uganda, Survie, and TASHA Research Institute), against oil giant Total.

Due to the company’s refusal to share certain key documents needed to establish its liability, the plaintiffs were forced to take the matter to court to compel disclosure. This request was presented during the May 15, 2025 hearing before the Paris Judicial Court [1].

For the associations and affected communities, today’s ruling [2] marks real progress. It helps address the profound information asymmetry between multinational corporations, often the sole holders of crucial evidence, and the affected individuals, who nevertheless bear the burden of proof. This decision is therefore an important step toward rebalancing this inequality, partially making up for the lack of a reversal of the burden of proof, something civil society has long demanded to facilitate effective access to justice.

While Total had tried to hide behind its subsidiaries by claiming that the majority of the documents belonged to them, the court also stressed that the plaintiffs were justified in directing their demand to the parent company, as part of its duty of vigilance.

According to Juliette Renaud, coordinator at Friends of the Earth France : “This ruling marks a decisive victory in the fight against the secrecy behind which multinationals, Total in particular, too often hide to avoid being held accountable. It took a hard-fought, year-long battle to obtain access to this evidence, so we are relieved to have won. This was a necessary precondition for the court to finally examine the merits of the case.”

The court ordered the disclosure of internal company documents , such as audits, minutes from “Human Rights” steering committees of the parent company and its Ugandan subsidiary, reports on compensation rates and the report on compensation following floods caused by the construction work. These elements documents should allow for a more precise assessment of whether or not Total has complied with its obligations under the Duty of Vigilance law and help determine the extent of the harm suffered by the plaintiffs.

Under the pressure of this legal action, and following letters sent by the plaintiffs’ lawyers, Total’s subsidiaries, TotalEnergies E&P Uganda and EACOP Ltd, had finally disclosed, a few days before the hearing and then just before the summer, almost all of the individual forms of the affected people, detailing in particular the amount of compensation paid, as well as the food rations received as. food aid. Furthermore, Total had also eventually handed over reports [2] that had been requested by the plaintiffs for nearly a year, first through an amicable request, then a formal notice to produce [3], and finally through the court filing.

The ruling on the disclosure request, set for July 3, 2025, was delayed by over two months after most of the documents were submitted just days before the scheduled date.The transmission of the majority of these documents occurred just a few days before the ruling initially scheduled for July 3, 2025, causing it to be postponed by more than two months. [5].

According to Pauline Tétillon, spokesperson for Survie, "It seems that Total, perhaps sensing an unfavorable decision was coming, sought to save face at the last minute by asking its subsidiaries to communicate several reports and most of the forms. Yet, it had been refusing to do so for months, hiding behind their alleged independence, despite the effective control it exercises over them, an argument that the court found unconvincing"

While pleased to have obtained these numerous documents, the plaintiffs welcome the judge’s injunction ordering Total to disclose the final pieces of evidence that the company had refused to provide until now. In particular, Total had resisted to the very end disclosing the reports establishing compensation rates, as well as several heavily redacted reports.

According to Pauline Tétillon, spokesperson for Survie, "It seems that Total, perhaps sensing an unfavorable decision was coming, sought to save face at the last minute by asking its subsidiaries to communicate several reports and most of the forms. Yet, it had been refusing to do so for months, hiding behind their alleged independence, despite the effective control it exercises over them."

Total has a period of a month XX to transmit the missing documents, under penalty of a fine of 1000 euros XX per day of delay. Fueled by these new documents, the exchange of written submissions will therefore resume, before a hearing on the merits of the case is scheduled, likely in 2026   Press Contacts :

 Friends of the Earth France – Juliette Renaud : +33 6 37 65 56 40 – juliette.renaud@amisdelaterre.org

 Survie – - Pauline Tétillon : paulettion@protonmail.com Arthur Baron : +33 7 49 89 38 01 – arthur.baron@survie.org   Notes :

[1] See May 2025 press release : “Total in Court : The Tough Fight for Access to Evidence” [2] The court’s ruling is available here. [32] The reports transmitted by Total on June 25, 2025, are as follow : the completion audit regarding dry rations distributions for PAPs, the monitoring of the populations’ capacity to produce their own food, the minutes of the Human Rights Steering Committee, the flood study carried out in 2021, as well as the District Land Board’s report defining compensation rates. [43] The formal notice to disclose (sommation de communiquer) is available here. [5].The judge had also scheduled a new hearing on July 10, 2025, to follow up with both parties regarding the latest documents provided by Total.

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