Survie

L’après Bamako

Publié le 1er décembre 2005 - Fabrice Tarrit

Au terme de ce Sommet alternatif citoyen de Bamako qui devait se concentrer sur deux journées mais dont les débats, ateliers et autres activités parallèles auront occupé les participants pendant près d’une semaine, de nouvelles perspectives de mobilisation se dessinent pour un renouveau des relations franco-africaines. Malgré les difficultés financières et l’écrasante machinerie logistique, politique, économique, médiatique et populiste (distribution massive de t-shirts et pagnes) déployée par le sommet officiel, cet espace de débat, de rencontres et de propositions alternatives créé à Bamako a tenu beaucoup de ses promesses.

Qualifiés d’ « alter-françafriques » par un journal malien inspiré, les quelque 200 militants des droits de l’homme, syndicalistes, artistes, étudiants, représentants d’ONG de développement ou citoyens à la conscience éveillée réunis à cette occasion ont d’abord prouvé par leur investissement dans les activités de ce « contre-sommet » la réalité d’une société civile africaine et française capable d’intervenir dans le débat public et d’y apporter une voix collective et solidaire. Cette voix dénonçant la dictature, l’impunité, le néocolonialisme, l’échange inégal, la dette odieuse, a su en outre s’affranchir de quelques démons qui gâchent parfois les rencontres altermondialistes : course à la visibilité, prépondérance des grosses organisations, défense d’intérêts particuliers ou nationaux, absence de contre-propositions, de synthèses, etc. Grâce à l’organisation remarquable mise en place par la CAD Mali, on a pu assister en effet à des débats donnant véritablement la parole à tous, à des travaux de restitution collectifs suivis par le plus grand nombre, à la constitution spontanée de commissions pour préparer les actions et peaufiner les axes de stratégie, à la rédaction en commun d’une déclaration finale, etc.

Cette mobilisation a gagné en ampleur chaque jour, avec l’arrivée de nouveaux participants, venus parfois en bus de Lomé ou de Conakry, grâce à une couverture médiatique assurée, en français ou en bambara, par une presse locale omniprésente et par une presse internationale bien au rendez-vous, sans oublier l’engagement à nos côtés de jeunes, d’étudiants allant faire passer le message aux quatre coins de Bamako.

N’ayons pas peur des mots, ce contre-sommet a été un laboratoire de démocratie participative qui a permis à chacun de mesurer la puissance de l’engagement collectif. Cet engagement doit à présent se traduire par des actes. Ce sera la mission du réseau que certaines organisations présentes à Bamako se sont engagées à créer dans les prochains mois. Un réseau qui mettra l’accent sur le décloisonnement des luttes, la communication, l’échange d’expériences de résistance, l’élaboration de propositions concrètes et la mise en oeuvre de plans d’actions et autres campagnes internationales pour les voir aboutir. Il ne négligera pas le nécessaire travail d’éducation populaire à mener en France et en Afrique, sans lequel nos aspirations citoyennes ne peuvent rester qu’au stade d’utopies ressassées au fil des différents contre-sommets. Le combat est loin d’être terminé mais nous savons à présent que nous sommes nombreux à vouloir le mener.

Fabrice TARRIT (Survie), de retour de Bamako

a lire aussi