Mardi 7 janvier, Jean-Marie Le Pen, à la tête pendant 40 ans du parti Front National, renommé Rassemblement National en 2018est décédé à l’âge de 96 ans. Celui qui "a considérablement ancré dans le débat politique des thèses xénophobes, racistes" est décrit comme l’incarnation de "l’impunité des crimes coloniaux" et de "la transition entre "colonialisme dans sa forme la plus brutale, la plus assumée, à une forme de néo colonialisme" par Thomas Borrel, porte-parole de Survie. Propos recueillis par la Deutsche Welle.
Article de la DW publié le 07/01/2025 par Fréjus Quenum, Sandrine Blanchard, Robert Adé, Mahamadou Kane, disponible ici
Mort de Jean-Marie Le Pen, les réactions en Afrique
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L’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen a été faite ce mardi (07.01.2025) par sa famille. Celui qui est surnommé "le diable de la République" est décédé à l’âge de 96 ans. Il était hospitalisé en région parisienne depuis la mi-novembre 2024 et vivait retiré de la vie publique depuis son éviction de la tête du parti qu’il avait fondé, le Front national (FN), en 2011.
Avant d’être écarté par sa propre fille, Marine, il a incarné l’extrême-droite sur l’échiquier politique et a polarisé la société française. Marine Le Pen a repris et transformé le FN en Rassemblement national (RN).
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Des soutiens en Afrique
Bien qu’il se soit opposé à la décolonisation en Afrique (notamment lors de la guerre d’Algérie), le leader d’extrême-droite avait trouvé des soutiens auprès de certains dirigeants du continent. Des Patriotes ivoiriens, fidèles à Laurent Gbagbo, avaient ainsi pris l’habitude de défiler à Paris aux côtés du FN le 1er Mai, pour célébrer Jeanne d’Arc.
En 1987, Jean-Marie Le Pen avait projeté un voyage en Afrique. Il s’est rendu à Libreville pour rencontrer le président gabonais d’alors, Oma Bongo Odimba, puis en Côte d’Ivoire où il a été reçu par Félix Houphouët-Boigny que le leader frontiste a proposé comme lauréat du prix Nobel de la paix. En revanche, les protestations contre la venue de Jean-Marie Le Pen à Dakar et Kinshasa l’ont contraint à écourter sa tournée. "On ne pleurera pas Jean-Marie Le Pen"
Au Sénégal, selon le politologue Mamadou Seck, "Jean-Marie Le Pen a quand même marqué l’histoire politique de la France et par ricochet également celle de l’Afrique. Pour qui connaît un peu les liens qui ont toujours existé entre la France et l’Afrique, surtout l’Afrique francophone. Son vécu est intrinsèque à l’histoire politique de l’Afrique francophone. Pour porter un certain nombre de discours dans les années 70-80, un discours xénophobe, raciste, etc., pour l’assumer, il fallait avoir du bagout.. Ce n’est pas une personne anodine de l’histoire politique française. [...]."
Plus tard, Jean-Marie Le Pen est invité en Guinée équatoriale par Teodoro Obiang Nguema. D’anciens membres du Front national deviennent même conseiller de Moïse Tschombe, conseiller de François Tombalbaye (ancien président tchadien) et même ministre de Jean-Bedel Bokassa, en République centrafricaine.
Une extrême-droite toujours plus forte
Selon Thomas Borrel, de l’association Survie,
"Jean-Marie Le Pen incarne l’impunité des crimes coloniaux puisque lui même, en tant que tortionnaire pendant la guerre d’Algérie, n’a jamais été inquiété pour ces crimes là. Et puis, il incarne la transition finalement entre le colonialisme dans sa forme la plus brutale, la plus assumée, à une forme de néo colonialisme qui s’inspire finalement des mêmes idées et avec la même matrice idéologique profondément raciste, puisque Jean-Marie Le Pen, en tant que politicien français, a considérablement ancré dans le débat politique des thèses xénophobes, racistes. Le risque, avec sa disparition, est qu’on se dise que tout cela appartient à un passé révolu et que, aujourd’hui, ces questions là ne se posent plus. Alors que, évidemment, on a des propos de plus en plus ouvertement racistes et xénophobes au sein même du gouvernement. On a des politiques migratoires absolument criminelles et on a une politique africaine qui reste une politique de domination et de conquête".
Sur le même sujet, retrouvez l’éclairage de Michael Pauron, journaliste à Afrique XXI, pour TV5 Monde :