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Témoignage : Génocide des Tutsis au Rwanda, 30 ans apres

Publié le 27 mars 2024

Le génocide des Tutsis au Rwanda s’est déroulé du 7 avril au 17 juillet 1994. Il s’inscrit dans un projet génocidaire préparé depuis plusieurs décennies par les extrémistes du Hutu Power, pouvoir en place à l’époque.

En l’espace de 100 jours, autour d’un million de tutsis, hommes, femmes et enfants, ont été systématiquement massacrés par le gouvernement extrémiste hutu et ses milices armées. Ces atrocités étaient le résultat d’une politique raciste qui a démarré en 1959, et qui s’est poursuivi par des décennies de discrimination et de propagande anti-tutsi ponctuées de pogroms.

Témoignage : Génocide des Tutsis au Rwanda, 30 ans apres

Les massacres ont eu lieu malgré les appels à l’aide. La communauté internationale ne s’est pas mobilisée, les moyens n’ont pas été donnés à la mission de l’ONU qui était sur place pour agir. Le génocide a pris fin lorsque le Front Patriotique Rwandais (FPR), armée principalement constituée d’exilés suite aux pogroms anti-tutsi de 1959, a pris le contrôle du pays en juillet 1994.

Le génocide s’est étendu à travers un projet politique mobilisant de nombreuses organisations étatiques telles que la garde présidentielle, l’armée, les ministères, la radio, les préfectures et les bourgmestres des communes. À une échelle plus locale, dans les villages, des listes de personnes à exterminer ont été établies bien avant le déclenchement du génocide.

L’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana n’en est que le point de départ. Dès la nuit du 6 avril 1994, tout était prêt.

Témoignage d’une rescapée « Comment mon frère a été assassiné »

Je vous présente la tragédie vécue par ma fratrie lors du génocide des Tutsi au Rwanda. Mon frère aîné était déjà chef de famille, à seulement 16 ans, car en 1993 nous étions devenus orphelins.

Le 9 avril 1994 au matin, un peu plus de deux jours après l’attentat contre l’avion présidentiel, le bourgmestre a déclenché le génocide dans notre commune. Ma fratrie était sur la liste, mon grand frère, qui avait 17 ans, a été abattu, ma sœur de 11 ans a été blessée par un éclat de grenade. Voyant notre aîné agoniser et pensant que sa grande sœur qui gisait dans son sang était morte, mon plus jeune frère a fui, il avait 9 ans.

Malgré sa blessure, ma sœur a survécu, passant trois mois cachée dans les marécages. Pour ma part, j’ai été évacuée du Rwanda et adoptée ensuite. Pendant de longues années, j’ai été séparée de ma famille avant de la retrouver, enfin, 23 ans après.

COMPRENDRE LE RÔLE DE LA FRANCE

L’État français était un allié de longue date du pouvoir rwandais et du président Habyarimana. Cette alliance s’est incarnée explicitement par la signature d’un accord de coopération militaire. Pour la France, l’intérêt de cette aide était d’étendre son influence dans cette partie de l’Afrique.

Cet accord a permis de former des unités qui, plus tard, ont initié le génocide dès le 6 avril.

AVANT 1994 Juillet 1975 : le gouvernement français de Valéry Giscard d’Estaing signe un « accord particulier d’assistance militaire » avec le gouvernement rwandais de Juvénal Habyarimana. Octobre 1990 : le Rwanda appelle la France à l’aide pour combattre le FPR qui a fait une incursion par le Nord du pays, près de la frontière ougandaise. Le 4 octobre, le France déclenche l’opération Noroît qui restera au Rwanda jusqu’en décembre 1993. Octobre 1992 : l’accord d’assistance est renforcé pour permettre à la France de former l’armée gouvernementale rwandaise qui est en grande difficulté face aux troupes du FPR

EN 1994, PENDANT LE GÉNOCIDE Du 9 au 14 avril 1994 : la France déclenche l’opération Amaryllis, non pas pour stopper le génocide mais pour exfiltrer ses ressortissants et quelques rares rwandais, parmi lesquels de nombreux proches du président et de sa femme. Du 22 juin au 21 août 1994 : la France déploie la mission Turquoise à l’ouest du pays, à la frontière avec l’ex Zaïre. La mission est présentée comme humanitaire mais son action est principalement militaire. La France crée une zone qu’elle contrôle, la Zone Humanitaire Sûre (ZHS), dans laquelle le gouvernement génocidaire, le Gouvernement Intérimaire Rwandais (GIR), se concentrera avant d’être exfiltré, par la France, au Zaïre.

APRÈS 1994, LA FRANCE A FUI SES RESPONSABILITÉS La France ne portera pas plainte suite à l’attentat contre l’avion présidentiel qui a pourtant tué l’équipage français.

En 1998, une Mission d’Information Parlementaire est créée pour instruire la question du rôle joué par la France dans le génocide. Alors que le contenu des informations collectées est alarmant, la conclusion du rapport lave la France de ses responsabilités.

En 2019, le président Macron demande à l’historien Vincent Duclert d’ouvrir les archives et de travailler avec une commission d’historiens sur les responsabilités de la France de 1990 à 1994. Le rapport remis en mars 2021 conclut à des « responsabilités accablantes » de la France et de son exécutif, mais ne reconnaît pas sa complicité dans le génocide.

La France, contrairement à d’autres pays comme la Belgique, n’a toujours pas présenté ses excuses au Rwanda. Elle n’a pas non plus ouvert toutes ses archives.

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