L’Etat français continue de nier sa complicité, alors que les travaux de nombreux chercheurs, journalistes, associations, attestent de l’ampleur du soutien apporté par les autorités françaises au régime génocidaire. Le travail de la Mission d’information parlementaire (MIP) de 1998 sur le rôle de la France au Rwanda ne se résume pas aux conclusions médiatiques de son président Paul Quilès, qui dédouane les autorités de l’époque. Ce rapport pointe beaucoup d’éléments dérangeants qui auraient dû faire l’objet d’une vraie Commission d’enquête parlementaire. Le pouvoir politique invoque le Secret Défense pour dissimuler certaines archives. Il est légitime de se demander si cette attitude vise à protéger des décideurs français face à la justice.
Certains responsables politiques, journalistes, chercheurs, nient ou relativisent le rôle de la France dans le génocide en utilisant des arguments négationnistes tels que l’accusation de « double génocide » (qui met sur le même plan les crimes commis par le FPR avec le génocide des Tutsi) ou l’affirmation selon laquelle le génocide était une réaction spontanée des Rwandais suite à l’assassinat du président Habyarimana. Il s’agit alors de nier que le génocide était préparé de longue date et que le sachant, la France a néanmoins poursuivi son soutien au régime rwandais.
Initialement chargé du dossier, le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière avait instruit à charge pour démontrer la responsabilité du FPR dans l’attentat et la lier au déclenchement du génocide, en utilisant des éléments contestables et partiaux. Suite à une nouvelle enquête approfondie et rigoureuse, les juges Trévidic et Poux ont décrédibilisé le travail de leur prédécesseur et réorienté l’instruction vers des militaires de l’armée rwandaise. Notons que les éléments matériels (débris de missile et enregistreurs notamment) prélevés par des militaires français dans les heures qui ont suivi le crash de l’avion n’ont pas été portés à la connaissance de la justice. Il est dès lors permis de reposer la question, insistante depuis 1994, d’une éventuelle implication de soldats ou mercenaires français dans l’attentat.