Survie

RWANDA. De 7 avril en 7 avril. 13 ans après le génocide des Tutsi rwandais, la face cassée de la République n’est toujours pas réparée

Publié le 5 avril 2007 - Survie

En 1993, nous avons pris conscience que de nouveaux massacres, pires que les précédents, pouvaient survenir au Rwanda. Les mois passant, les événements renforçaient ces craintes et, surtout, confirmaient celle qu’une volonté d’une violence extrême était à l’œuvre. Sans en tenir compte, la France maintenait son appui aux dirigeants d’un régime dont l’hostilité aux Tutsi allait jusqu’à appeler à leur extermination. Nous avons dénoncé ce soutien, sans grand effet. Noyant dans des camouflages les éléments d’un long processus historique - dans lequel notre pays avait sans conteste joué un rôle néfaste - la France s’en est tenue à son engagement fatal.

Cette inexcusable complicité, difficilement explicable, ne s’est pas démentie lorsque le génocide a débuté. La France l’a jusqu’au bout confirmée. Cette réalité est encore aujourd’hui niée, 13 ans après les faits. Ce sont les plus hautes autorités de ce pays qui doivent la reconnaître, et agir en conséquence. Jusqu’à ce qu’elles aient accompli ce devoir, le dossier ne peut être clos. Agissant au nom du peuple qui les ont choisis, ces autorités doivent répondre devant lui de leurs actes. C’est ce que nous avons exigé en nous opposant avec détermination à leur décision de soutenir un régime meurtrier. Nous réaffirmons ce refus au nom des victimes, aux côtés desquelles nous resterons.

Vers le 15 avril 1994, l’évidence de l’exécution du génocide des Tutsi rwandais est devenue incontournable. Par la suite, de longues recherches ont permis de vérifier que des autorités de notre pays savaient, avant qu’elle ne se déclenche, que cette machine infernale s’élaborait au Rwanda. Elles ne l’ont jamais dénoncée, elles l’ont acceptée. Ces recherches se poursuivent, au nom des victimes, non par quelque plaisir pervers de critiquer notre pays, mais pour le conduire hors du cycle pernicieux du mensonge. Pour réparer la face cassée de la République.

Il serait temps de regarder l’histoire en face, pour en extraire l’essentiel : quelles que soient ses multiples composantes, elle a été chevauchée par des cavaliers indignes que notre pays a infiltrés dans son cours.

Aujourd’hui, à la suite de l’insensée « affaire Bruguière », les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda sont rompues. Quelles pourraient être les conditions de leur rétablissement ? A cette question, posée lors d’un récent colloque organisé à l’UNESCO par la diaspora rwandaise d’Europe, la réponse unanime a été que ce rétablissement dépendait de l’aveu, chez nous, de la vérité. Nous espérons qu’il en sera ainsi, pour que l’on puisse reprendre le fil de l’histoire dans un contexte assaini. Que l’on puisse se recueillir les 7 avril, sinon sans douleur, au moins délivré de la honte. Combien d’années faudra-t-il encore attendre ?

Si les citoyens de notre pays l’exigent, la face cassée de la République est réparable.

Le processus visant la vérité et la justice pourrait aller plus vite que beaucoup ne craignent : il suffirait que la prochaine législature initie une véritable commission d’enquête, afin d’aller au bout de toutes les pistes ouvertes par la mission parlementaire sur le Rwanda en 1998. C’est ce que nous demanderons, avec force, aux prochains élus, au législatif et à l’exécutif, de la République. L’Assemblée Nationale devra alors exiger, pour la circonstance, la déclassification de tous les documents utiles à son aboutissement, et refuser résolument qu’une quelconque audition ait lieu à huis clos. Tel est le véritable intérêt de la France.

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