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Rwanda : Survie salue la condamnation de l’ancien préfet Laurent Bucyibaruta. Mais le temps presse pour que la justice française accomplisse son devoir

Palais de justice de Paris, le 26 octobre 2008 (photo licence CC Steve Shupe)
Publié le 12 juillet 2022 - Survie

La cour d’assises de Paris a condamné ce 12 juillet 2022 Laurent Bucyibaruta, préfet pendant le génocide des Tutsis au Rwanda, à une peine de 20 ans de détention pour complicité de génocide et crime contre l’humanité. Survie salue ce verdict, bien qu’il soit tardif au regard des faits. Toutefois, de nombreuses personnes, françaises comme rwandaises, impliquées dans le génocide n’ont pas encore répondu de leurs actes devant la justice et vivent libres en France.

Laurent Bucyibaruta, ancien préfet de Gikongoro dans le sud-ouest du Rwanda, était jugé depuis le 9 mai 2022 pour génocide, complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité durant le génocide des Tutsis de 1994. Présent en France depuis 1997, Bucyibuaruta avait été visé dès 2000 par une plainte [1]. Il aura donc fallu attendre 22 ans pour que justice soit rendue aux survivant.e.s et aux proches des victimes. L’accusé avait été inculpé en 2005 par le TPIR, qui s’est dessaisi du dossier et l’a transmis à la justice française en 2007. La cour d’appel de Paris avait alors estimé que le mandat d’arrêt du TPIR n’était pas conforme à la loi sur la présomption d’innocence et avait libéré Laurent Bucyibaruta après deux semaines d’incarcération durant l’été 2007.

Survie prend acte du regain d’intérêt de la justice française pour des Rwandais soupçonnés de génocide, qui vivent libres en France. Mais cela demeure insuffisant. De nombreux autres Rwandais demeurant en France ne sont pas poursuivis, le sont avec un délai anormalement long ou bénéficient de non-lieux en raison d’enquêtes insuffisamment approfondies. Les plaintes déposées contre des Français pour complicité de génocide font quant à elles l’objet d’une inertie telle qu’il convient de s’interroger sur la volonté de l’institution judiciaire d’aller jusqu’au bout des enquêtes.

Pour Patrice Garesio, co-président de Survie, « Beaucoup de temps a été perdu dans cette affaire. Le temps presse maintenant pour juger les nombreuses personnes, rwandaises comme leurs soutiens français, impliquées dans le génocide, qui n’ont pas encore répondu de leurs actes devant la justice et vivent libres en France.  » 

[1Sa demande d’asile avait à l’époque indigné un étudiant en droit rwandais vivant en France qui avait alors commencé à recueillir des témoignages sur place. Ces derniers ont étayé la plainte déposée en 2000 par la FIDH. Celui qui n’était qu’un témoin désespérant de voir cette plainte aboutir s’est constitué partie civile à l’annonce du procès.

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