Survie

Procès Elf. Pourquoi la Françafrique est-elle le plus long scandale de la République ?

Publié le 2 avril 2003 (rédigé le 2 avril 2003) - Survie

Pourquoi aucune personnalité politique d’envergure, ou presque n’a-t-elle depuis quarante ans dénoncé le scandale de la confiscation de l’indépendances des anciennes colonies africaines de la France, en particulier le soutien aux pétrodictateurs qui spolient leurs propres pays ? Loïk Le Floch-Prigent a donné un début de réponse lundi 31 avril, lors du procès Elf : l’argent de la compagnie pétrolière a aussi servi à « faire taire » des hommes politiques. Et à empêcher qu’ils ne divergent sur la continuité du système : « Si jamais on rentre dans un combat entre socialistes et gaullistes, dans un pays africain, on ne sait plus ou on va. »

Alfred Sirven a renchéri : « Elf a toujours eu besoin d’être bien avec le pouvoir en place », gauche ou droite. Et les hommes de pouvoir ont « besoin d’argent. Les campagnes électorales sont devenues de plus en plus chères... » Cela a donc été confirmé à la barre : Elf a su se payer la quasi totalité de la classe politique française (à l’exception probable des Verts, qui ont été effectivement les seuls à dénoncer avec constance, et les crimes de la Françafrique, et les pratiques d’Elf).

Selon les déclarations des protagonistes, tout indique que ce soudoiement continue : les appétits sont les mêmes, les moyens de dissimulation, dans les paradis fiscaux, sont de plus en plus performants. L’intention affichée du parquet de Paris de ne pas poursuivre les bénéficiaires politiques des détournements de fonds d’Elf conforte l’impunité.

Ce ne sont pas seulement les tares et la corruption de notre démocratie qui commencent enfin d’être exposées. C’est le feu vert à la souffrance et à la mort de millions d’Africains, victimes de guerres civiles ou d’agression (Biafra), du vol de l’argent des hôpitaux et des médicaments, des énormes escroqueries de la dette.

Il est plus que temps de changer de registre, à un moment où la question de la légalité et la légitimité des relations internationales est posée de manière cruciale. « Le pétrole, c’est la guerre » n’est plus une équation recevable, a signifié à propos de l’Irak l’opinion publique mondiale. Le pouvoir exécutif français serait en situation délicate s’il prolongeait en Afrique un impérialisme pétrolier qu’il dénonce ailleurs.

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