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Fin « officielle » de l’opération Barkhane ou comment rester autrement

Publié le 15 juin 2021 - Survie

Jeudi 10 juin Emmanuel Macron a annoncé la « fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure ». Le dispositif militaire français au Sahel devrait être réduit et intégré à la force internationale Takuba. Avec cette décision prise unilatéralement, la France espère maintenir son influence dans la région en mutualisant une opération militaire dont elle est l’unique initiatrice. 

C’est une « transformation profonde de la présence française au Sahel » qui est évoquée par Emmanuel Macron. Il ne s’agit en réalité que d’une transformation du cadre de cette intervention militaire, prévue de longue date mais repoussée après le dernier sommet du G5 Sahel. Ce changement s’explique par la volonté de diminuer le coût économique de l’intervention militaire française, mais aussi son coût politique, car le sentiment anti-français progresse dans toute la sous-région et l’opposition à l’opération Barkhane grandit aussi dans l’opinion publique française. Si les effectifs militaires français sur place doivent être réduits, les forces françaises encadreront toujours les armées africaines et continueront de fournir un appui aérien. Elles devraient être incorporées au sein de la force européenne Takuba qui, près d’un an après sa création, peine à exister tant sont nombreuses les réticences des partenaires européens à financer et s’investir dans ce qui est perçu comme « la politique africaine de la France ».
 

Le caractère unilatéral de la décision de Macron ne jouera sans doute pas en faveur du multilatéralisme derrière lequel souhaite pourtant se retrancher le président français. Dans ces conditions, nul doute que l’État français sera encore pour longtemps le pivot central de la "lutte contre le terrorisme" au Sahel, en vertu d’une approche purement sécuritaire qui a fait la preuve de son inefficacité.
 

En effet, les précédents irakien et afghan attestent notamment qu’une présence militaire étrangère ne règle rien et peut même nourrir le terreau sur lequel prospèrent les groupes djihadistes : discrédit croissant d’États corrompus et autoritaires, bombardements et "dommages collatéraux", exactions des forces africaines alliées contre les populations civiles, etc. Au Sahel, l’insécurité n’a jamais été aussi importante pour les populations civiles après 8 ans d’intervention militaire française. Avec les annonces du Président Macron, ce ne sont, une nouvelle fois, ni la protection des civils ni la recherche d’une issue politique au conflit qui sont visées.
 

Bien qu’ayant annoncé à plusieurs reprises vouloir renouveler les relations avec le continent africain, Emmanuel Macron n’apporte que des changements cosmétiques à cette politique, en s’évertuant à masquer les marqueurs symboliques de la Françafrique, comme l’avait illustré l’abandon annoncé du franc CFA et comme le montre à nouveau cette annonce sur la fin de Barkhane sous sa forme actuelle. Cette dernière nous montre au demeurant que les décisions concernant la politique de la France en Afrique sont toujours prises par un comité restreint d’individus autour du président de la République sans aucun contrôle démocratique. 

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