Survie

Accords-cadres internationaux : un outil mondial pour défendre les droits au travail

Publié le 24 février 2007 - François Lille, Pierre Caminade

Du bureau international du travail (BIT) Bit en ligne - No. 2 - Mercredi 31 janvier 2007

Accords-cadres internationaux : un outil mondial pour défendre les droits au travail

France Telecom est la dernière entreprise à avoir signé un accord-cadre mondial avec une fédération syndicale internationale. Couvrant plus de 200 000 employés dans le monde, l’accord mondial signé le 21 décembre 2006 entre la multinationale française, l’UNI (Syndicat mondial) et des syndicats de télécommunications à travers toute la planète impose les normes fondamentales de l’OIT dans l’ensemble du groupe - y compris le droit de se syndiquer et de négociation collective, l’absence de discriminations au travail, l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants. BIT en ligne s’est entretenu avec Dominique Michel, Chef de l’équipe du Programme des entreprises multinationales au sujet de ces accords mondiaux.

BIT en ligne : Qu’est-ce qu’un accord mondial ?

Dominique Michel : Un accord-cadre international (ou mondial) est un instrument négocié entre une entreprise multinationale et une fédération syndicale mondiale en vue d’établir une relation continue entre les parties et de garantir que l’entreprise respecte les mêmes normes dans tous les pays où elle opère. Les syndicats sectoriels du pays d’origine de la multinationale participent également à la négociation. Bien que les accords-cadres ne relèvent pas des initiatives de responsabilité sociale des entreprises, ils servent souvent de référence dans le débat sur la responsabilité sociale ; ils représentent en effet pour les entreprises un moyen d’exprimer leur engagement à respecter certains principes. Les accords-cadres se distinguent des initiatives de responsabilité sociale en ce qu’ils sont le fruit d’une négociation avec des représentants internationaux des travailleurs. De ce fait, ils sont une forme possible d’évolution des relations professionnelles à l’ère de la mondialisation.

BIT en ligne : Mais que contiennent ces accords ?

Dominique Michel : Le contenu des accords varie en fonction des caractéristiques et des besoins des entreprises et syndicats concernés ; ainsi que des relations professionnelles que ces derniers entretiennent traditionnellement. Les accords intègrent toujours les quatre principes et droits fondamentaux au travail et des références spécifiques aux conventions clés de l’OIT. Les autres dispositions varient d’un accord à l’autre et font référence aux différentes problématiques traitées par les normes de l’OIT tels que la protection des représentants des travailleurs, les salaires, la sécurité et la santé au travail ou la formation professionnelle.

BIT en ligne : Jusqu’où vont ces accords ? Peuvent-ils fixer les salaires et les conditions de travail au niveau mondial ?

Dominique Michel : Ils ne se substituent en aucun cas aux négociations directes entre les entreprises et leurs salariés au niveau national ou au sein de l’entreprise, ils offrent seulement un cadre à de telles négociations pour qu’elles se déroulent de manière constructive et avec des seuils planchers communs.

BIT en ligne : Ces accords ont-ils un impact sur les fournisseurs ou les entreprises partenaires ?

Dominique Michel : La plupart des accords-cadres concernent la totalité de la chaîne de production, même si les fournisseurs n’en sont pas signataires. Les entreprises s’engagent en général à informer toutes leurs filiales, fournisseurs, contractants et sous-traitants de l’accord. S’il s’avère qu’une filiale ou une entreprise partenaire ne respecte pas l’accord mondial, son cas pourra être soumis au siège de la multinationale qui recherchera une solution par le dialogue.

BIT en ligne : Comment l’application de l’accord est-elle contrôlée ?

Dominique Michel : La plupart des accords prévoient des mécanismes de suivi qui incluent la participation des syndicats. Ces mécanismes comprennent des actions spécifiques de la part des dirigeants et des représentants des travailleurs, telles que la diffusion (et la traduction si nécessaire) de l’accord dans toute l’entreprise ou le développement de programmes conjoints de formation. Certains accords prévoient des missions conjointes du syndicat national concerné et de la fédération syndicale internationale destinées à contrôler sur le terrain l’application de l’accord. La plupart incluent des mécanismes qui permettent à la fédération syndicale mondiale de signaler la compagnie en cas d’infraction aux dispositions de l’accord.

BIT en ligne : Combien d’entreprises ont-elles signé de tels accords jusqu’ici ?

Dominique Michel : Cinquante entreprises opérant dans différents secteurs ont signé des accords-cadres mondiaux avec cinq fédérations syndicales mondiales. Le premier a été signé par la société agro-alimentaire française Danone en 1988, puis la chaîne hôtelière Accor a signé le deuxième en 1995. Ce n’est qu’en 2000 que le nombre d’accords signés chaque année s’est accéléré pour atteindre 50 fin 2006. Parmi les entreprises concernées, se trouvent le fabricant de meubles suédois Ikea, la compagnie bananière américaine Chiquita, le producteur de pinceaux allemand Faber-Castell et Staedler, des compagnies pétrolières en Norvège (Statoil), Italie (ENI) et en Russie (Lukoil), des constructeurs automobiles en Allemagne et en France tels que Volkswagen, Daimler-Chrysler, Renault et Peugeot-Citroën, les producteurs d’électricité espagnol et français Endesa et EDF, des opérateurs de télécommunications en Espagne (Telefonica) et en Grèce (OTE), et des distributeurs français (Carrefour) et suédois (H&M).

BIT en ligne : Quel rôle l’OIT joue-t-elle dans ce domaine ?

Dominique Michel : Dernier développement en matière de relations professionnelles, les accords-cadres mondiaux présentent un grand intérêt pour le BIT. Le Directeur général du BIT a assisté à la signature de certains d’entre eux, à l’instar de celui de Chiquita. Plusieurs départements du BIT (le secteur du Dialogue social, l’Institut d’études sociales, les Bureaux pour les Activités des travailleurs et des employeurs, et le Programme pour les entreprises multinationales) recensent et analysent ces accords. La Déclaration tripartite du BIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale offre une référence utile pour les entreprises qui étudient le contenu de tels accords. Elle fournit des recommandations sur ce que pourrait être le comportement souhaitable d’une entreprise au regard de l’emploi, de l’égalité des chances et de traitement, de la formation professionnelle, de la santé et la sécurité au travail, et des relations professionnelles.

a lire aussi