Survie

Les Etats post-coloniaux en Afrique sub-saharienne

Publié le 30 août 2006 - Odile Tobner

Quand on observe l’histoire des cinquante dernières années en Afrique noire, l’action de la France y apparaît évidente : plus de quarante interventions militaires pour défendre les régimes imposés, les actions contre les régimes dissidents sont plus occultes mais on constate que les leaders indociles sont rapidement l’objets de coups d’État ou de manœuvres de déstabilisation.

La volonté de la France de contrôler politiquement l’Afrique ne fait aucun doute. C’est une action de pure puissance, indifférente au sort des populations, et qui a entraîné des conséquences humaines désastreuses en appuyant la gestion économique irresponsable de pouvoirs intouchables.

Petit tour des Etats d’Afrique sub-saharienne des "Indépendances" à nos jours :

  Le Sénégal fut gouverné par Léopold Senghor de 1960 à 1980. Abdou Diouf lui succède et conserve le pouvoir jusqu’en 2000, où Abdoulaye Wade arrive au pouvoir par une élection.

 Le Mali, ancien Soudan français, fut d’abord gouverné par Modibo Keita, qui est renversé en 1968 par une junte militaire conduite par Moussa Traoré. Celui-ci sera lui-même renversé en 1991 par des militaires conduits par Amadou Toumany Touré. Après une conférence nationale, Alpha Oumar Konaré est élu président en 1992, réélu en 1997 il quitte le pouvoir après ses deux mandats. En 2002 Amadou Toumany Touré est élu à la présidence.

 La Guinée, qui rompt avec éclat avec la puissance coloniale en 1958, sera en butte à de multiples manoeuvres de déstabilisation. Sékou Touré, qui exerce un pouvoir répressif jusqu’à sa mort en 1984, renoue cependant des relations avec la France à partir de 1975. Depuis que le militaire Lansana Conté est parvenu au pouvoir par un coup d’État à la mort de Sékou Touré, puis élu président en 1993, 1998 et 2003, et que la Guinée est sous la coupe de la Banque mondiale, le pays n’a cessé de s’appauvrir, le régime étant parmi les plus corrompus d’Afrique.

 La Haute-Volta est gouvernée d’abord par Maurice Yaméogo, qui est renversé en 1966 par le général Sangoulé Lamizana. Celui-ci sera chassé en en 1980 par le colonel Saye Zerbo, remplacé en 1982 par le commandant Jean-Baptiste Ouedraogo. Le capitaine Thomas Sankara prend le pouvoir en 1983. Le régime rompt radicalement avec le passé. Le pays prend le nom de Burkina Faso et entreprend une politique anticolonialiste. Thomas Sankara est assassiné en octobre 1987 et remplacé par le commandant Blaise Compaoré qui s’est succédé à lui-même depuis.

 La Côte d’Ivoire est marquée par la personnalité de son premier président Félix Houphouët-Boigny, vieux routier de la politique, passé de l’opposition, pendant la période coloniale, à la collaboration la plus étroite avec la France à partir de 1950. Sous sa présidence, de 1960 à sa mort en 1993, la Côte d’Ivoire vit un apparent « miracle » économique. L’enrichissement ne profite qu’à un petit nombre et le marasme consécutif à la chute des cours du cacao gagne à partir de 1980. Henri Konan Bédié, président de l’assemblée nationale, succède à Houphouët-Boigny, et est élu président en 1995. Le 24 décembre 1999 il est évincé par un putsch militaire conduit par le général Gueï. L’élection présidentielle d’octobre 2000 est remportée difficilement par Laurent Gbagbo, leader historique de l’opposition. Le 19 septembre 2002 une rébellion se déclare à Bouaké, dans le nord de la Côte d’Ivoire. L’armée française est appelée à intervenir pour séparer les belligérants. Depuis cette date la Côte d’Ivoire est divisée. Après des années de négociations, dont l’échec de l’accord de Marcoussis, sous le patronage de la France, après une reprise des hostilités en novembre 2004, réprimées par l’armée française, qui investit Abidjan, en proie à des manifestations anti-françaises, l’organisation d’une élection présidentielle a été jusqu’à présent différée.

 Le Togo accède à l’indépendance en 1960. Le premier président, Sylvanus Olympio est assassiné en 1963 lors d’un putsch mené par le sergent Eyadéma, qui prend personnellement le pouvoir en 1967. Il le garde jusqu’à sa mort en février 2005. Le Togo a subi un régime férocement autoritaire. Toutes les tentatives pour y mettre fin, telle la conférence nationale de 1991, à la suite de manifestations populaires, seront tuées par la répression. La succession d’Eyadéma par son fils, Faure Gnassingbé, après une parodie d’élection, perpétue l’oppression de la population togolaise.

 Le Bénin, ancien Dahomey, traverse, de 1960 à 1972, une période agitée avec une douzaine de coups d’État, dont 5 réussis, et une dizaine de présidents, majoritairement des militaires. De 1972 à 1990, le régime dit marxiste du colonel Kérékou s’impose. La première conférence nationale, et la seule réussie, amène à une transition démocratique en 1990 et à la victoire du général Nicéphore Soglo. En 1996 Kérékou revient au pouvoir par l’élection. Réélu en 2001, il quitte le pouvoir en 2006, remplacé par Yayi Boni.

 Le Niger accède à l’indépendance en 1960 avec Hamani Diori comme président. En 1974, un putsch amène au pouvoir le lieutenant-colonel Seyni Kountché. A sa mort en 1987, le colonel Ali Seybou lui succède. Il est remplacé en 1993 par le président élu Mahamane Ousmane. Un putsch amène au pouvoir en 1996 le colonel Ibrahim Baré, qui est assassiné en 1999. Le président Mamadou Tandja est élu, puis réélu en 2004.

 Le Tchad, de 1960 à 1975, a pour président François Tombalbaye, qui mourut dans le putsch qui porta au pouvoir le général Malloum. Après une période d’instabilité et de guerres entre factions, Hissène Habré parvient au pouvoir en 1982. Il réduisit les rébellions armées par la force, aidé par l’armée française, et fit régner la terreur. En 1990, son adjoint Idriss Déby le supplante avec l’aide des Français. Son régime, imposé par la terreur, est contesté par plusieurs rébellions armées et par la société civile. Il vient cependant d’être « réélu » en 2006.

 Le Cameroun est le seul pays d’Afrique subsaharienne qui, de 1955 à 1971, a été le théâtre d’une guerre de libération nationale, menée par l’UPC, fondée et présidée par Ruben UM Nyobé, tué au maquis en 1958. Cette guerre oubliée, fut menée par l’armée coloniale, puis par le président Ahmadou Ahidjo, aidé de l’armée française, après l’indépendance en 1960. Ahidjo démissionne en 1982. Le premier ministre Paul Biya le remplace. Il s’est, depuis, succédé à lui-même par une suite de réformes constitutionnelles et d’élections peu crédibles.

 La Centrafrique, ancien Oubangui-Chari, accède à l’indépendance en 1960. Le leader qui la conduisait , Barthélémy Boganda a péri en 1959 dans un douteux « accident » d’avion. David Dacko est président jusqu’en 1965. Il est renversé par un putsch conduit par Jean-Bedel Bokassa, qui se fera proclamer empereur en 1976. En 1979 la France, embarrassée par les innombrables crimes et excès de Bokassa, le dépose et réinstalle David Dacko. Un putsch militaire, conduit par le général André Kolingba, chasse ce dernier en 1981. Le gouverneur de fait est le colonel français Mansion. Kolingba restera au pouvoir jusqu’en 1993, année où les premières élections multipartites ont lieu et Ange-Félix Patassé est élu président de la République. En 2001, des troubles amènent l’intervention de la communauté internationale (MINURCA). En 2003, le général François Bozizé réussit un nouveau coup d’État et renverse le président Patassé. Une élection présidentielle a eu lieu après plusieurs reports en 2005. Bozizé est « élu » président.

  Le Congo. Le premier président du Congo est l’abbé Fulbert Youlou. Il est renversé en 1963 par un putsch militaire et remplacé par Alphonse Massemba-Debat. Après d’autres tentatives le commandant Marien Ngouabi prend le pouvoir en 1969. Il le conserve non sans mal jusqu’à son assassinat en 1977. Sassou Nguesso, chef de la police politique fait exécuter Massemba-Débat, Marien Ngouabi s’apprêtait à rappeler. En 1979 Sassou Nguesso prend le pouvoir et fait régner la terreur par des épurations et des assassinats. En 1991 une conférence nationale amène un pouvoir de transition confié à André Milongo. En 1992 Pascal Lissouba devient le premier président élu démocratiquement. En 1993 des troubles éclatent et les milices s’affrontent. La guerre des milices fait rage jusqu’en 1997, où les forces de Sassou Nguesso, avec l’aide de forces angolaises, sont victorieuses et le remettent au pouvoir.

 Le Gabon. Léon Mba fut le premier président du Gabon. L’armée française intervient directement en 1964 pour le maintenir au pouvoir. Mba meurt en 1967 il est remplacé par Albert Bongo, qui s’est, depuis, succédé à lui-même, confisquant la rente pétrolière à son profit et laissant les Gabonais dans la misère.

 Madagascar, en 1960 a pour premier président Philibert Tsiranana. En 1972 Tsiranana cède aux manifestations, pour une période de transition, jusqu’à la prise de pouvoir du capitaine de frégate Didier Ratsiraka. En 1990 des institutions démocratiques sont mises en place. Albert Zafy est élu président en 1992. Il est desttitué en 1996 et Ratsiraka est élu. En 2002 l’élection de Marc Rava, contestée pendant six mois, notamment par la France, est enfin reconnue..

 Les Comores. Á partir de 1946, l’archipel (Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte) forme un TOM. Lors du référendum de 1973 pour l’indépendance, Mayotte vota pour le statu quo. L’indépendance de la République Fédérale Islamique des Comores, fut déclarée en 1975 sous la présidence de Ahmed Abdallah. Deux mois après Ali Soilih prend le pouvoir aidé par le mercenaire français Bob Denard, lequel, en 1978 , ramène Ahmed Abdallah au pouvoir par un coup d’État dans lequel Soilih trouve la mort. En novembre 1989, Abdallah est assassiné dans des conditions mystérieuses en présence de Bob Denard. Said Mohamed Djohar, le demi-frère d’Ali Soilih prend le pouvoir. En 1997, Mohéli et Anjouan font sécession. En 1999, le colonel Azali Assoumani prend le pouvoir en Grande Comore. En 2001, les trois îles forment l’Union des Comores présidée présidée par Azali Assoumani et, depuis 2006, par Ahmed Abdallah Sambi.

 Djibouti, anciennement Côte française des Somalis, devient un territoire d’outre-mer français en 1958. En 1967, le territoire change de nom et devient Territoire français des Afars et des Issas. Le territoire obtient son indépendance en 1977 et devient la République de Djibouti. Le premier Président de la République de Djibouti fut Hassan Gouled Aptidon. Il décida de quitter son poste en 1999, à l’âge de 83 ans, après plus de 22 ans au pouvoir. Ismail Omar Guelleh, son chef de cabinet, lui succèda en remportant les élections présidentielles de 1999. Il s’est, depuis, succédé à lui-même.

Plusieurs pays de l’ancien empire colonial belge sont tombés sous la coupe néocoloniale de la France :

 Le Congo ex-belge accède à l’indépendance en 1960. Les élections donnent Joseph Kasavubu président et Patrice Lumumba premier ministre. La province minière du Katanga fait sécession avec Moïse Tshombé. Lumumba est bientôt arrété et assassiné en 1961. En 1964 un corps de mercenaires, commandé par un officier belge, réduit le maquis lumumbiste du Kwilu, commandé par Pierre Mulele. Mobutu s’empare du Pouvoir en 1965. En 1968 Pierre Mulele, qui s’était réfugié à Brazzaville est ramené au Congo, où il est assassiné. Le Congo sera nommé Zaïre de 1971 à 1997. En 1977 une rébellion se déclare au Shaba (ex Katanga). En 1978, des rebelles, venus d’Angola prennent Kolwezi. L’intervention des paras français met fin à cet épisode. En 1997, Laurent-Désiré Kabila prend Kinshasa avec l’aide des troupes rwandaises et chasse Mobutu. Le Zaïre redevient la République démocratique du Congo. Kabila est assassiné en 2001. Son fils Joseph Kabila sera choisi pour le remplacer. Depuis une dizaine d’années les guerres qui sévissent au Congo, notamment dans l’Ituri, on fait plus de 4 millions de victimes.

 Le Rwanda. Grégoire Kayibanda, un hutu, est élu président de la République en 1961. En 1973, des troubles ethniques ayant causent la mort de milliers de personnes, beaucoup de tutsi s’exilents. Juvénal Habyarimana renverse Grégoire Kayibanda, puis fonde son parti en 1975, le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND).Les exilés tutsi s’organisent et créent le Front patriotique rwandais (FPR) en 1987. Le 1er octobre 1990, venant de l’Ouganda, le FPR entre en force au nord du Rwanda. Les accords successifs d’Arusha, négociés en Tanzanie avec le FPR et signés en août 1993, prévoient l’intégration politique et des différentes composantes de la nation rwandaise. Le 6 avril 1994 les présidents rwandais et burundais meurent dans un attentat, après le tir d’un missile sur leur avion. Les jours suivants le premier ministre, Agathe Uwilingiyimana et d’autres personnalités politiques modérées, sont assassinées par la garde présidentielle et des hutu extrémistes. Á partir du 7 avril 1994, le projet génocidaire est exécuté par des extrémistes hutu. Le gouvernement intérimaire est dirigé par l’ex premier ministre Jean Kambanda. Le cerveau présumé du génocide, serait le Colonel Théoneste Bagosora. Au moins 800 000 tutsi et hutu modérés ont été massacrés, plus d’un million selon les autorités rwandaises. Le 4 juillet 1994, le FPR entre à Kigali. Pasteur Bizimungu devient président de la République. Mais l’homme fort du Rwanda est le général major Paul Kagame, vice-président et ministre de la défense, chef du FPR. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda est constitué par l’ONU fin 1994. En 1996, pour venir à bout des génocidaires repliés au Zaïre, allié à l’Ouganda et aux rebelles de l’Est du Zaïre, le Rwanda envahit le Zaïre et renverse en 1997 son président, Mobutu Sese Seko. Pasteur Bizimungu démissionne en 2000. Paul Kagame est élu président de la République. Après l’adoption d’une nouvelle constitution, il est réélu en 2003.

  Le Burundi. Le prince Rwagasore préside le Burundi à l’indépendance en 1962. En 1965, le premier ministre hutu Pierre Ngendandumwe est assassiné. Le colonel Michel Micombero prend le pouvoir en 1966 et proclame la république. En 1972, une tentative de soulèvement entraîne le massacre de 100 000 à 200 000 Hutu par le pouvoir tutsi. Après les massacres de 1988 (20 000 morts) Pierre Buyoya organise les premières élections pluralistes en 1992. Il perd la présidentielle face à Melchior Ndadaye. L’assassinat de ce dernier en 1993 embrase le pays. La guerre civile fait plusieurs centaines de milliers de victimes. En 1994, Cyprien Ntaryamira est élu président. Le 6 avril 1994, lui et le président rwandais Juvénal Habyarimana meurent dans l’attentat contre leur avion. Le major Buyoya reprend le pouvoir par un coup d’état en 1996. En 2000 est signé à Arusha, en Tanzanie, sous l’égide de Nelson Mandela un accord de paix. L’Afrique du Sud envoie 700 militaires pour surveiller l’accord, le major Buyoya à la présidence et Domitien Ndayizeye au poste de vice-président avant que les rôles ne soient échangés. L’alternance prévue fut respectée par Pierre Buyoya qui céda le pouvoir au bout de dix-huit mois. Cependant en 2003, les forces hutu attaquent Bujumbura avant de négocier. Leur chef, Pierre Nkurunziza, obtient la majorité en 2005 et est élu président.

Odile Biyidi, présidente de Survie, Août 2006

a lire aussi