Survie

La Cour d’appel valide le "sérieux" de cet ouvrage qui dénonce, entre autres, la criminalité des Sassou Nguesso, Déby et Bongo !

Publié le 15 juillet 2002 (rédigé le 15 juillet 2002) - Survie

Denis Sassou Nguesso, Idriss Déby et Omar Bongo avaient intenté en 2000 un procès pour offenses à chefs d’État contre l’auteur et l’éditeur du livre Noir Silence (François-Xavier Verschave, président de l’association Survie, et Laurent Beccaria, gérant des éditions des Arènes). En 2001, ils avaient perdu en première instance. Sur la forme : le Tribunal avait estimé que le délit invoqué était contraire à la Convention européenne des Droits de l’homme. Les plaignants et le parquet avaient fait appel.

La 11e Chambre de la Cour d’appel de Paris s’est prononcée le 3 juillet 2002. Sur le délit d’offense, elle n’a pas admis l’argument du Tribunal - validé pourtant par un arrêt récent de la Cour européenne des Droits de l’homme. Mais elle a relaxé les accusés sur le fond (« la bonne foi ») - un jugement sans précédent à ce niveau. Une déroute pour les plaignants (même s’ils se sont pourvus en cassation). Une grande victoire pour les peuples congolais, tchadien et gabonais, pour les démocrates de ces pays et les victimes de ces régimes.

Il est désormais possible de qualifier Denis Sassou Nguesso de « dictateur », auteur de « crimes contre l’humanité », et d’évoquer sa « complicité » dans l’attentat contre le DC10 d’UTA ; de dire qu’Idriss Déby « entretient soigneusement sa réputation de tueur, par des carnages réguliers », de signaler son « irrésistible attirance » vers « le pillage de l’État, la mise à sac des populations averses et leur "terrorisation" », d’écrire qu’il est « goulu de transactions illégales ». L’on peut qualifier Omar Bongo de « parrain régional », son régime de « démocrature prédatrice », perpétuée par la fraude électorale. Sans parler de toutes les accusations précises que ces trois potentats ont préféré ne pas relever.

Nul doute que ce jugement contribuera à ancrer dans les esprits l’illégitimité de ces trois dictatures. L’on comprend que l’extraordinaire mouvement démocratique malgache, qui a su imposer le choix électoral d’un peuple, ait affolé le cercle des dinosaures françafricains - au point de l’impliquer dans l’envoi à Madagascar d’un commando de mercenaires d’extrême-droite dont le chef, Marc Garibaldi, a trempé en 1999 dans les crimes sassouistes (opération Hadès).

Selon la Cour, « il apparaît que les documents versés et les témoignages recueillis au cours de la procédure [...] établissent non seulement l’importance et l’actualité des sujets évoqués mais aussi le sérieux des investigations effectuées. [...] Si l’ouvrage se veut résolument militant, il ne trahit cependant pas son objectif de critique des systèmes politiques des Etats africains évoqués et du fonctionnement des relations internationales, spécialement avec la France. A ce titre, [...] il n’apparaît pas que la démarche de François-Xavier Verschave soit critiquable ». La Cour « déclare François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria non coupables du délit d’offense à chefs d’Etats étrangers. »

De nombreux témoins ont, selon l’expression de la Cour, « apporté leur crédit à l’ouvrage querellé ». Trois avocats, William Bourdon, Antoine Comte et Francis N’Thepe, ont apporté leur ferveur et leur talent. Trois mille personnes avaient défilé en février 2000 en faveur des accusés, qui ont reçu le soutien écrit de quinze mille citoyens français et étrangers, et de nombreuses associations. Le jugement de la Cour d’appel est aussi leur victoire. Il encourage à poursuivre le combat contre l’insupportable.

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