Le déchaînement de violence policière à l’encontre des personnes mobilisées contre la loi travail en France a fait des centaines de blessés, parfois graves. A ce bilan répressif, il faut ajouter les peines de prison ferme distribuées sur la seule base de déclarations policières. Dans quelques cas, les militaires déployés dans les rues de l’hexagone, dans le cadre de l’opération Sentinelle ; ont même
contribué au maintien de l’ordre [1].
Cette violence n’est pas nouvelle. Un bref retour en arrière permet de montrer que les méthodes policières, médiatiques et judiciaires à l’œuvre actuellement ont été expérimentées dans les quartiers populaires, y brisant de nombreuses vies [2]. Ces pratiques, comme l’état d’urgence, prennent leur source dans l’expérience coloniale de la République. Le « savoir-faire » français, si vanté [3], s’est ainsi forgé dans la répression des indigènes en Indochine, au Cameroun, en Guadeloupe, en Algérie [4]... C’est l’occasion de rappeler que les mêmes forces françaises qui ouvrent des crânes et crèvent des yeux en France pour défendre l’action du gouvernement forment régulièrement leurs homologues d’Afrique francophone qui répriment avec un niveau de violence encore supérieur toute contestation des régimes autoritaires.
La dernière prolongation de l’état d’urgence, jusqu’au 26 juillet, prend pour prétexte le championnat d’Europe de football qui se déroulera à partir du 10 juin en France et qui pourrait constituer la cible d’attentats. Mais ce régime d’exception, dont le gouvernement veut introduire des dispositions dans la loi ordinaire, permettra aussi de délivrer de nouvelles interdictions de manifester à des militants, comme cela a déjà été le cas suite aux revendications des syndicats de policiers.
Du 13 au 17 juin se tiendra également le salon international de défense et de sécurité Eurosatory, au cours duquel les marchands d’armes de la planète se
réuniront pour faire prospérer leur commerce de mort. Plus il y a de guerres,
plus ils s’enrichissent.
L’industrie de l’armement française espère y décrocher de juteux contrats de matériel et de prestations. Les expériences guerrières de l’armée française en Afrique, tout comme l’arrosage de grenades sur les manifestations en France, leur fournissent la meilleure des démonstrations publicitaires en grandeur réelle. Les opérations en Libye, au Mali ou en Irak, avaient ainsi servi d’argument de ventes des Rafales à l’Égypte. Gageons que les drones, flashball, grenades de désencerclement déployés dans les rues françaises se vendront comme des petits pains.
Hollande et ses successeurs argueront d’ailleurs qu’on peut bien s’accommoder du soutien fourni ainsi à des régimes sanguinaires, tant que cela crée de
l’activité pour nos industries. Manifestants, songez-y et souriez sous les gaz lacrymogènes, vous participez à la sauvegarde de l’emploi !
[1] Au moins à deux reprises, à Paris, des militaires de Sentinelle ont fait barrage aux manifestants en supplément des policiers et gendarmes.
[2] Le site « Quartiers libres » l’illustre avec l’exemple de Dammarie-
lès-Lys en 2002 ou de la répression à Villiers-le-Bel. (Nous sommes
leur ennemi commun, 26/05/2016).
[3] Notamment par Michèle Alliot-Marie en janvier 2011, lors des manifestations qui provoquèrent la chute du régime tunisien de Ben Ali.
[4] Voir le dossier publié par Survie en février 2016, Les dangereuses impostures de la guerre contre le terrorisme.