Survie

Recyclage

(mis en ligne le 5 mars 2023) - Juliette Poirson

Lors du dernier sommet de la Francophonie, Emmanuel Macron se prétend « le président d’une nouvelle relation avec l’Afrique ». Pourtant, incapable d’autocritique, il clame à qui veut bien l’entendre que le rejet de la politique française en Afrique n’est dû qu’à des manipulations extérieures… Et dans le même temps, depuis plusieurs mois, il multiplie ses rencontres avec les pires dictateurs sans même s’en cacher. Notamment avec les piliers de la Françafrique. Il recevait Mahamat Idriss Déby à l’Elysée le 6 février dernier, trois mois à peine après la terrible répression d’octobre 2022 qui a fait plusieurs dizaines de morts – le chiffre réel n’est pas connu – et alors que des centaines de militants restent emprisonnés dans la prison de haute sécurité de Toro Koro. Les militants tchadiens de la société civile et de partis politiques d’opposition qui manifestaient place de la République à Paris le 13 février dernier à la mémoire des victimes de la dictature tchadienne n’ont pas eu cet honneur. La priorité reste le maintien d’une bonne relation avec le Tchad, partenaire d’autant plus essentiel pour le dispositif militaire au Sahel que les soldats français ont été congédiés par le Mali et par le Burkina Faso. Macron multiplie aussi les rendez-vous avec Sassou Nguesso, le président criminel du Congo-Brazzaville depuis 25 ans – reçu en décembre dernier et qui l’accueillera début mars – et avec Ali Bongo avec lequel il a annoncé, en marge de la COP 27 en Egypte en novembre dernier la tenue d’un événement au Gabon tout début mars. Pour ces rencontres, c’est la préservation des forêts qui sert de prétexte. En effet, le Gabon accueille les 1er et 2 mars 2023 le One Forest Summit, une déclinaison des One Planet summit lancés en 2017 par Emmanuel Macron, l’ONU et la Banque mondiale qui « rassemblent de nombreux décideurs de tous horizons afin d’identifier et d’accélérer des initiatives transformationnelles et le financement de solutions en faveur du climat, de la biodiversité et des océans. » Ces « One summit », déclinés sur divers thèmes (océans, énergie, forêt…) sont des instruments clef de la diplomatie environnementale d’Emmanuel Macron qui se prétend en pointe sur ces questions. Ainsi, Emmanuel Macron et Ali Bongo, dictateur ayant succédé à son père à la tête du Gabon en 2009 et qui prépare sa succession pour l’élection présidentielle prévue courant 2023, coprésideront à Libreville un sommet censé œuvrer à la préservation des forêts tropicales, accueillant politiques, organisations de société civile et de recherche et entreprises. Une hypocrisie totale : les véritables responsables de la déforestation pourront pérorer à la tribune et n’auront de cesse de communiquer sur leur engagement pour préserver la biodiversité et le climat. Un signe qui ne trompe pas : la journaliste de Libération Maria Malgardis, qui avait déjà dénoncé cette hypocrisie par le passé, s’est vue interdite de sommet malgré son visa ! En instrumentalisant les questions environnementales (sur le dos d’acteurs de la recherche et d’organisations de la société civile sincèrement engagés, qui sont associés à cette rencontre), la Françafrique à l’ancienne montre son talent à se recycler de façon permanente sous de nouvelles couleurs : celles du greenwashing !

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