Survie

Bolloré étend son empire agricole

rédigé le 1er juillet 2012 (mis en ligne le 3 septembre 2012) - Yanis Thomas

Le groupe Bolloré ne cesse
d’étendre son influence
en Afrique et se tourne
désormais vers les terres
arables de la Sierra Leone.

Boulimique, la multinationale françai­se règne déjà sur des dizaines de
milliers d’hectares de plantations
d’hévéa et de palmier à huile au Cameroun
(33 500 hectares), au Liberia (13 500 ha)
ou encore en Côte d’Ivoire (23 000 ha)
via la holding Socfinaf qu’elle contrôle
partiellement.

En 2011, la Socfin Agricultural
Company (SAC), filiale de Socfinaf, a
signé un bail de cinquante ans portant sur
6 500 hectares avec le ministre de l’Agriculture,
de l’exploitation forestière et de la Sécurité
alimentaire de la Sierra Leone, le Dr. Sam
Sesay, afin de développer une plantation de
palmier à huile et d’hévéa [1]. La concession
est située dans la chefferie de Malen, dans la
région de Pujehun (sud-est du pays).

La SAC prospecte de plus dans la chefferie
de Bum (province de Bonthe) et de Lugbu
(province de Bo) afin d’obtenir des terres
supplémentaires, Bolloré ayant anoncé,
lors de sa dernière assemblée générale
en mai 2012, vouloir planter à terme
20 000 ha de palmier à huile (12 000 ha d’ici
2015) et 10 000 ha d’hévéa dans la région [2].

Comme toujours, la création d’emplois a
été l’argument pour vendre le projet aux
autorités politiques. Ainsi, la SAC annonce
que plus de 1000 personnes travaillent déjà
pour le projet... dont seulement 90 de façon
permanente. Les populations qui ont perdu
leurs terres au profit des nouvelles plantations
apprécieront la précarité de l’emploi...

Bolloré menace

Bien que directement affectés, les habitants
de la zone concernée semblent n’avoir été
ni informés ni consultés correctement avant
le lancement du projet : l’étude d’impact
social et environnemental n’a été rendue
publique que deux mois après la signature
du contrat. Constitués en association (Malen
Land Owners Association, MALOA) ceux-ci ont adressé une liste de leurs griefs aux
autorités locales : absence de consultation
sérieuse ; manque de transparence en
général et inquiétude concernant les
conditions de réinstallation ; mauvaises
conditions de travail ; corruption des élites
locales ; pression sur les propriétaires
terriens et certains chefs de villages pour
qu’ils acceptent le projet.

Pour appuyer de
façon plus musclée leurs revendications,
les villageois tentèrent en octobre 2011
de bloquer les travaux sur la plantation.
40 personnes furent interpellées. Au final,
15 ont été inculpées de tapage, conspiration,
menaces et libérés sous caution après une
âpre bataille judiciaire.

Si Bolloré peut prétendre que cette réponse
judiciaire lui est étrangère et relève des
seules autorités publiques, les populations,
qui subissent les effets de la collusion
entre leurs élites corrompues et la filiale
de Socfinaf, perçoivent clairement cette
instrumentalisation de leur administration
judiciaire comme le résultat d’une stratégie
d’intimidation du groupe Bolloré.

Face
à la gravité de la situation, l’ONG
américaine de solidarité internationale
The Oakland Institute, en lien avec des
ONG locales (Green Scenery et le Sierra
Leone Network on the Right to Food tout
particulièrement), a publié en avril 2012
un rapport édifiant afin d’alerter l’opinion
publique internationale et faire pression sur
Socfinaf.

Comme à son habitude, Bolloré a
publié une virulente réponse, et menace de
poursuivre The Oakland Institute en justice
pour diffamation.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 215 - juillet-août 2012
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