Vendredi 8 octobre, ce qui était redouté et annoncé [1] est arrivé : le président Emmanuel Macron a été « bousculé », comme le commente la presse, par les questions des jeunes invité.e.s à Montpellier par l’Elysée pour débattre de la relation franco-africaine. Puis, il a fait quelques annonces présentées comme le prélude à la « refondation » de cette relation, mais qui évitent soigneusement les aspects structurants de la Françafrique :
Pour Pauline Tétillon, co-présidente de Survie, « ce sommet atteint pleinement les objectifs que l’Élysée lui avaient fixés : la relégitimation de la politique africaine de la France. Les autorités françaises s’appuient pour cela sur quelques jeunes Africain.e.s qu’elles s’arrogent le droit de qualifier de "pépites", comme si les autres n’étaient que de vulgaires cailloux. Quant aux deux militants sans-papiers arrêtés à Montpellier et enfermés en Centre de rétention administrative alors qu’ils venaient depuis Paris faire entendre leur voix, ils ne seraient que des grains de sable pris dans cette machine à broyer ? »
La même semaine, la publication de l’ouvrage collectif L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique (Le Seuil) [4], auquel des membres de Survie ont largement contribué, permet de resituer cette prétendue « rupture » dans l’histoire longue des relations franco-africaines : des décennies d’adaptation au contexte, forcément changeant selon les époques, pour maintenir une relation de domination au profit d’élites françaises et africaines. Après les précédentes annonces de « rupture » (avec Nicolas Sarkozy, puis François Hollande), celle de ces jours-ci innove peut-être dans la forme, mais l’écran de fumée aura tôt fait de se dissiper.
[1] Le pire des scénarios ce serait que des intellectuels sénégalais, congolais ou ivoiriens déjà largement suspectés de larbinisme, ne jouent pas avec assez de "vérité" la comédie d’une révolte entièrement financée par le Trésor français. Emmanuel Macron, on s’en doute, n’a nulle envie de vaincre sans péril. » Boubacar Boris Diop, « Montpellier, la Françafrique à bout de souffle », in Koulsy Lamko, Amy Niang, Ndongo Samba Sylla et Lionel Zevounou (dir.), De Brazzaville à Montpellier, regards critiques sur le néocolonialisme français, Collectif pour le Renouveau africain (CORA). Texte publié le 4 octobre par le média sénégalais Sénéplus
[2] « Sommet Afrique-France : Macron « bousculé » lors du débat avec 11 jeunes Africains », RFI, 8 octobre 2021
[3] Voir par exemple « Comment le ministère des Armées a réglé la facture des OPEX en 2020 (1,461 milliard) », La Tribune, 18 janvier 2021