Survie

Le cinquième commando de tueurs fut le bon

(mis en ligne le 1er septembre 2004) - François-Xavier Verschave

Le Canard enchaîné, Le cinquième commando de tueurs fut le
bon, 18/08 (Nicolas BEAU)

« En quelque six ans, le malheureux Hicham Mandari aura essuyé une fusillade à Bogota en Colombie […], deux tentatives d’attentat en France […],
quelques tabassages… Et pour finir, cette exécution, dans la nuit
du 3 au 4 août, d’une balle dans la tête, sur un parking de
supermarché au nord de Marbella, en Espagne.

[Sa] vie mouvementée […] l’a vu être mis en examen dans
d’innombrables dossiers. À savoir les “vrais-faux dinars de
Bahreïn
” – huit tonnes de billets frelatés d’une valeur de 350 millions d’euros imprimés en Argentine [1]–, une obscure affaire de “chantage” exercé sur le banquier Benjelloun, […] familier du Palais [… et président de la Banque marocaine du Commerce extérieur]. etc.

Si l’on ajoute à ces quelques frasques des liens […] avec les
services secrets algériens et espagnols […et] les menaces de
livrer à la presse les secrets de fabrication des bonnes relations
entre le royaume chérifien et la classe politique française (notamment Chirac et sa fille Claude [2]), […] l’on comprendra que la fin tragique de cet ancien courtisan du roi Hassan II suscite de légitimes interrogations.

[… Selon] un rapport de la PJ française, […] certains l’accusent de contrôler un réseau de call-girls qu’il aurait “exportées” […] vers la France, mais aussi vers les hôtels tenus à Dubaï par son père Mohammed. […]

Il se livre au hold-up le plus rocambolesque de l’histoire
marocaine. Avec plusieurs complices, dont sa protectrice Farida [la concubine préférée de Hassan II], Mandari dérobe,
quelques mois avant la mort d’Hassan II, ses
chéquiers personnels dissimulés dans un coffre. Puis il se
réfugie à l’étranger, où il aurait encaissé un chèque de 118
millions d’euros. Chez Hassan II, c’est la consternation. Pour
peu que son nom apparaisse – comme ce jour où dans le
Washington Post il menace le roi de révélations
compromettantes –, pareil affolement peut se comprendre. Le
conseiller financier du Palais, André Azoulay, téléphone alors
aux rédactions amies en France […].

Les dossiers qu’il avait sortis sur les vraies circonstances de la
mort du général Dlimi, l’ancien patron de l’armée, ou sur la
fortune immobilière de certains conseillers d’Hassan II,
donnaient un peu de crédibilité à ces menaces. “Mes dossiers
constituent pour moi, a-t-il laissé entendre un jour au Canard, une
assurance-vie
.” Apparemment, il se montrait bien optimiste. »

La sulfureuse affaire des « vrais-faux dinars de Bahreïn » a impliqué tout
un pan de la Françafrique, de Kinshasa à N’Djaména, Niamey et Paris
en passant par Rabat. Au minimum.

Malgré l’ampleur de l’escroquerie, et le montant de fausse monnaie amené à Paris, la justice française reste très discrète. Hicham Mandari ne l’était pas assez. Il avait annoncé via la presse marocaine et espagnole une conférence de presse sur « les pages les plus noires de la corruption du royaume de Mohammed VI ».

Selon Libération du 23/08, le tueur aurait frappé « la veille même de
cette conférence
 ». Les secrets de fabrication de la « Franchérifie »
attendront encore d’être expliqués aux citoyens français et marocains.

[1Cf. F.X. Verschave, Noir silence, Les arènes, 2000, p. 161-167

[2Cf. F.X. Verschave, Noir Chirac, Les arènes, 2002, p. 195-197.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 128 - Septembre 2004
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