Survie

A fleur de presse

Darfour : A FLEUR DE PRESSE

(mis en ligne le 1er avril 2005) - Sharon Courtoux

Le Figaro, Darfour : le milicien qui accuse Khartoum, 04/03 (Patrick de Saint Exupéry) :

« Sur fond de crimes contre l’humanité commis au Darfour soudanais, le jeu diplomatique patine. Depuis la remise au Conseil de sécurité, début février, d’un terrible rapport d’enquête réalisé par cinq juges internationaux nommés par l’ONU, le dossier n’a pas progressé d’un pas. Secrétaire-général de l’ONU, Kofi Annan a supplié à plusieurs reprises les pays membres : “ Une fois de plus, lançait-il voici encore quelques jours, j’appelle le Conseil de sécurité à agir d’urgence pour stopper les crimes et les souffrances au Darfour. ” Ses appels se sont jusqu’ici heurtés à un mur d’égoïsme, le dossier mettant en cause les intérêts de plusieurs États. Favorables au principe de sanctions, les États-Unis - appuyés pour différentes raisons par la Chine et l’Algérie - se refusent ainsi à envisager une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) [...] La pression monte pourtant peu à peu. [...] Human Rights Watch (HRW)  [1] vient de rendre public l’enregistrement vidéo d’un haut dirigeant des milices Janjaweed, responsables de nombreuses exactions dans le Darfour. Recueilli en septembre 2004, le témoignage de Musa Hilal, considéré comme l’un des principaux dirigeants des sanglantes milices, met en cause le gouvernement de Khartoum. Selon [... ce dernier], « tous les combattants sont dirigés, sur le terrain, par de hauts commandants militaires [...] Ces gens reçoivent des ordres du centre du commandement occidental et de Khartoum ». Pour HRW, Musa Hilal est « un homme dangereux pour le gouvernement soudanais » car « son témoignage pourrait être très intéressant devant la Cour pénale internationale ». Les allégations de cet homme, soupçonné de nombreuses exactions bien qu’il s’en défende, sont confirmées par plusieurs documents [...]. Dans une note datée du 13 février 2004 et émanant du bureau d’une sous-préfecture du Nord-Darfour, les autorités prient ainsi toutes « les unités de sécurité de la localité d’autoriser la poursuite des activités des moudjahidins et des volontaires placés sous le commandement du Cheikh Musa Hilal dans les régions du Nord-Darfour afin de répondre à leurs besoins vitaux ». [...]

Ni de « terribles rapports », ni les supplications d’Annan (qui bénéficie pourtant d’une tribune enviable) ne semblent susceptibles de démonter (dans tous les sens du terme !) « le mur d’égoïsme » derrière lequel s’abritent les intérêts des États. Tous les États... Comme pour le Rwanda, il n’y en a pas un seul qui ose se rebiffer sérieusement, quitte à se rendre ridicule aux yeux du « réalisme diplomatique » qui autorise ce dossier à faire du sur place. Ma « naïveté » m’interdit d’abandonner l’espoir : que l’un ou l’autre ébranle la tour de verre new-yorkaise, y crie à la face du monde qu’il ne peut se sentir à l’aise dans une institution (dont l’affaire relève) qui traite 70 000 morts et 1,6 million de déplacés comme quantité négligeable. En attendant, quelques organisations comme HRW fournissent de quoi susciter un tel acte de courage politique.

Sharon Courtoux

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 135 - Avril 2005
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