Le 20 octobre, l’Union Européenne a appelé la communauté internationale à exercer " les pressions maximales " sur le Soudan pour l’envoi urgent d’une force de maintien de la paix de l’ONU au Darfour, " seule option viable et réaliste ". Ce message a été livré par le Premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, dont le pays exerce actuellement la présidence de l’UE. Par " pressions maximales ", on entend au moins de rapides et lourdes sanctions diplomatiques et économiques. Or, en dépit d’une situation dont la gravité s’étale à la une, la France (membre de l’UE sauf erreur) n’envisage aucune sanction de cet ordre dans l’immédiat. Le 18 octobre, à l’Assemblée Nationale, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, en réponse à une question d’actualité, s’est exprimé en ces termes : " Vous connaissez trop les affaires internationales [...] pour ne pas savoir que le rôle de la France est primordial, d’abord en affirmant ses valeurs, le respect de la souveraineté d’un pays, le respect de l’indépendance d’un pays. Cela ne veut pas dire que l’on ne fait rien, je me rendrai moi-même à Khartoum dans quelques jours, justement pour demander au Président Béchir d’accepter qu’il y ait un passage de témoin efficace entre L’Union Africaine et les Nations Unies ". Si le ministre ne doit pas lui annoncer sa ferme volonté d’appliquer les lourdes sanctions qui s’imposent (notamment dans le domaine pétrolier), on se demande à quoi sert ce voyage. Le Conseil de Sécurité a adopté, le 31 août dernier, la résolution 1706 autorisant l’envoi d’une force internationale au Darfour afin d’y mettre fin aux massacres des populations civiles ; le président soudanais s’est immédiatement opposé à cette décision de l’ONU en la traitant de " colonialiste " et en menaçant de combattre cette force si elle arrivait. Depuis lors, le gouvernement soudanais, face à une absence de volonté politique, poursuit ses crimes et continue de gagner la partie. Le chapitre VII de la charte des Nations Unies (Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression) permet d’intervenir en cas de nécessité : les morts et les déplacés de la région en représentent une. Comme l’écrit l’International Crisis Group : " La communauté internationale a accepté la responsabilité de protéger les populations civiles atteintes de crimes contre l’humanité lorsque leur propre gouvernement ne peut ou ne veut le faire " [1]. Par ailleurs, il ne semble pas que Jacques Chirac ait profité de sa tournée d’agent commercial en Chine pour inciter Pékin à exercer des pressions appropriées sur Khartoum. Il aurait pu expliquer à ses interlocuteurs que, maintenant qu’ils ont rejoint le club des Grands, ils ont intérêt à respecter l’usage qui veut que l’on fasse semblant de se soucier du respect des droits humains.
Sharon Courtoux
[1] Traduit de l’anglais par nos soins.