Survie

Darfour : L’appel de Paris d’Abdelwahid Al-Nur

(mis en ligne le 1er février 2007) - Sharon Courtoux

De récentes dépêches du service d’information des Nations Unies titrent : Les massacres continuent au Darfour (18/01). Les agences humanitaires des Nations Unies tirent la sonnette d’alarme (17/01). Et pourtant, on attend toujours la réponse adéquate face à de tels cris d’alarme, qui se succèdent maintenant depuis quatre ans.

Le déploiement de la fameuse « force hybride » (un composé de forces des Nations Unies et de l’Union Africaine, portant uniforme national, casque bleu et brassard UA), prévu en trois phases, fait du surplace. La première phase – déploiement de conseillers militaires et de police – n’a pu s’établir en l’absence des locaux qui devaient l’accueillir au Darfour [1]. Ces conseillers sont donc retournés à Khartoum. Les phases suivantes, devant mener au déploiement d’une force mixte ONU-UA de 20 000 hommes au Darfour, ne seraient pas inscrites dans un agenda proche, en dépit des déclarations d’intention et d’urgence. De nombreuses sources proches du dossier qui fréquentent les couloirs de l’ONU affirment qu’il ne faut espérer quoique ce soit de concret avant un an !

Les États-Unis, qui jusqu’ici tenaient un discours menaçant à l’égard de Khartoum (faisant craindre de leur part une intervention unilatérale intempestive), reculent au point d’excuser le gouvernement soudanais d’avoir omis de préparer l’accueil de la première phase au Darfour : « C’est une chose qu’on ne peut pas reprocher au gouvernement soudanais » a déclaré le porte-parole du département d’État Sean McCormack. Les États-Unis avaient pourtant donné jusqu’au 1er janvier 2007 au Soudan pour accepter le déploiement d’une force de paix au Darfour, sous peine de devoir faire face à une action coercitive... Le 12 janvier, l’émissaire du président américain pour le Darfour, Andrew Natsios, a annoncé la décision de Washington de coopérer avec la Chine « pour obtenir une paix négociée au conflit ». Moins diserte sur la question, la France semble, elle aussi, être entrée dans une « coopération » avec Pékin à cet égard... Difficile dossier, certes, éminemment régional, il est cependant caractérisé par un « problème » majeur : Khartoum tue en toute impunité, et réussit, année après année, à retarder toute intervention destinée à protéger ses victimes. L’indispensable volonté politique – et morale – internationale n’est pas au rendez vous.

Du coup, le fondateur et principal dirigeant du Sudan Liberation Movement (SLM [2] ), Abdelwahid Al-Nur, a appelé l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Union européenne (UE) à intervenir « ainsi qu’ils l’ont fait dans le cas de la Bosnie ». Le SLM, dans son « Appel de Paris » lancé le 17 janvier lors d’une conférence de presse tenue dans la capitale française, a souligné son désespoir de voir l’ONU honorer ses responsabilités avant d’obtenir la collaboration pleine et entière de Khartoum sur laquelle on ne peut compter [3].

Outre les multiples réticences à l’égard des interventions conduites sous l’égide de l’OTAN, notons que l’UE n’a pas jusqu’ici exercé de pressions (qu’il s’agisse du Darfour ou de la région dans son ensemble) sur les pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU issus de ses frontières. Au fond, le SML le fait à sa place. Dans l’espoir d’être entendu jusqu’à New York ? Le SLM a réaffirmé son soutien au déploiement d’une force de l’ONU au Darfour lors d’une rencontre entre le commandant Ahmed Abdelshafi et Andrew Natsios le 19 janvier à Abeche (Tchad).

Le SLM est un mouvement politique. Il affirme l’ambition d’instaurer un régime laïc et démocratique au Soudan, susceptible de permettre à toutes les régions de ce vaste pays de vivre ensemble et d’assurer la répartition équitable des richesses nationales sur l’ensemble du territoire. Il affirme également son ouverture au dialogue à l’échelle régionale afin que la paix y revienne. Abdelwahid Al-Nur a débuté son appel au secours des populations du Darfour en regrettant de ne pouvoir le lancer depuis Khartoum, la capitale de son pays, le Soudan.

Sharon Courtoux

[1Un premier contingent de 50 éléments a finalement pu se rendre au Darfour fin janvier ; la suite est en attente de décision.

[2Dont le SLM/A est le bras armé de ce mouvement rebelle au Darfour.

[3Le ministre des Affaires étrangères soudanais a déclaré le 20 janvier que le Soudan n’avait pas d’objections à un éventuel déploiement d’une force de l’ONU au Tchad pourvu qu’elle s’abstienne de mettre les pieds au Soudan (AFP).

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 155 - Fevrier 2007
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