Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) vient de rendre public des actes d’accusation contre deux présumés coupables de génocide réfugiés en France contre lesquels il a émis des mandats d’arrêt.
Le procureur en chef du TPIR, Hassan Bubacar Jallow, a déposé une requête demandant aux juges du TPIR d’autoriser le transfert des dossiers Bucyibaruta et Munyeshyaka devant la justice française.
Laurent Bucyibaruta, préfet de Gokongoro durant le génocide, et le père Wenceslas Munyeshyaka, curé de la paroisse de la Sainte Famille à Kigali, réfugiés en France, sont visés par des actes d’accusation établis les 16 juin et 20 juillet 2005 et placés sous scellés jusqu’au 20 juin dernier. Seront-ils arrêtés avant qu’il ne soit trop tard ?
Aucun transfert devant une juridiction nationale ne peut se faire sans l’accord de ces derniers. Mais compte tenu des mandats d’arrêts lancés simultanément contre les deux accusés, « la France a le devoir de les arrêter et de les détenir en attendant l’aboutissement de la procédure » selon un expert au greffe du Tribunal. D’après les informations fournies pas l’Agence Hirondelle et l’AFP depuis Arusha (siège du TPIR), « Paris a signifié son accord pour juger Munyeshyaka dans une lettre adressée au procureur du TPIR le 19 juillet 2006 par le ministère français de la Justice. Dans cette lettre, la France se dit prête à juger un autre exilé en France, l’ex-préfet de Gikongoro, Laurent Bucyibaruta » [1]. Le TPIR poursuit le père Munyeshyaka pour "génocide, viol, assassinat et extermination, crimes commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie le groupe ethnique tutsi comme tel". L’ancien préfet est poursuivi pour "incitation directe et publique à commettre le génocide, génocide, complicité de génocide, extermination, assassinat et viols".
Pourquoi ces actes d’accusation, d’une gravité extrême, ont-ils été maintenus sous scellé deux ans durant ? On peut supposer que lors de leur établissement, le TPIR ait adressé une demande formelle à la France de les prendre en charge. Dans ce cas, pourquoi la France a-t-elle mis un an pour y répondre ? Et pourquoi a-t-il fallu attendre une année supplémentaire avant de voir concrétiser la procédure ?
Pourquoi les actes d’accusation ont-ils été rendus publics avant l’accord des juges ? Si la France n’arrête pas les deux accusés dans l’attente de cet accord, les accusés pourraient alors échapper aux poursuites.
Pourquoi la France n’a-t-elle pas jugé les deux accusés contre lesquels des poursuites ont été engagées, avec constitution de parties civiles, depuis 1995 pour Munyeshyaka, et depuis 2000 pour Bucyibaruta ?
Nous connaitrons sans doute prochainement le sort des deux accusés. Quant aux questions que nous venons de poser, il sera sans doute nécessaire d’insister pour obtenir les réponses auxquelles nous avons droit.
Sharon Courtoux
[1] Selon ces informations, Laurent Le Mesle, alors directeur du cabinet du ministre de la justice a écrit : « J’ai l’honneur de vous confirmer l’accord des autorités judiciaires françaises pour se saisir des faits objets des procédures suivies par le TPIR à l’encontre de Laurent Bucyibaruta et Wenceslas Munyesyaka ».