Le 25 août 1972, l’ONU inscrit l’archipel
des Comores, composé des
quatre îles d’Anjouan, de Mayotte,
de Mohéli et de la Grande Comore, sur la
liste des territoires auxquels s’applique la
« Déclaration d’octroi de l’indépendance
aux pays et peuples coloniaux » [1]. L’archipel
aurait donc dû s’émanciper en bloc. Mais la
préservation de son unité sociale et culturelle
importait peu pour des réseaux françafricains.
Soucieux de sauvegarder leurs intérêts
présentés comme ceux de la France, ces
derniers se sont alors mis à manoeuvrer pour
que Mayotte reste française. Et c’est ainsi
qu’entre 1975 et 1995, l’Assemblée générale
des Nations unies, condamnant l’organisation
d’une consultation s’adressant aux
seuls Mahorais, prit une vingtaine de résolutions
pour que la France respecte l’intégrité
territoriale des Comores en tant qu’archipel
incluant Mayotte.
Juridiquement peu contraignante, cette série
de résolutions eut néanmoins le mérite de
freiner l’ancrage de cette île dans la République
française. De façon diplomatique,
elle permit également de condamner une
politique aux conséquences désastreuses.
À partir de 1995, cette question ne fut plus
portée devant les instances onusiennes et
l’État français eut tout le champ libre pour
réamorcer la poursuite de cette politique
d’annexion : organisation de la départementalisation,
suppression progressive du
droit coutumier et surtout, instauration,
pour les Comoriens souhaitant se rendre à
Mayotte, d’un visa qui provoquera la mort
de plusieurs milliers d’Anjouanais partis
sur des embarcations de fortune rejoindre
Mayotte.
Devant cet état de fait, les promesses
faites depuis quelques temps par le président
de l’Union des Comores, Ahmed
Abdallah Sambi, de réintroduire la question
de Mayotte à l’ONU suscitaient
quelques espoirs. Mais des espoirs de
courte durée car peu après l’annonce de
sa réception à l’Élysée, celui-ci retira
cette question de l’ordre du jour de la
62e session de l’Assemblée générale des
Nations unies et se laissa convaincre par
le président Sarkozy de « maintenir cette
question dans un cadre bilatéral »[ http://www.elysee.fr/documents/index.php?la
ng=fr&mode=view&cat_id=5&press_id=472]].
En contrepartie de l’apurement d’arriérés
de dette et, sans doute, de quelques faveurs.
Il faut dire aussi que la crise séparatiste
anjouanaise, menée par un Bacar bien
vu des services français, ne mettait pas
Sambi en position de force. Malgré les
menaces de Moroni et de l’Union des
Comores d’une intervention armée à
Anjouan, une délégation sécessionniste
a pu se rendre à une négociation menée
par Thabo Mbecki sans rien céder, et a pu
retourner aux Comores sans être inquiétée.
Paris reste donc tranquille et peut continuer
de s’activer : le référendum sur
la départementalisation pourrait se tenir
dès 2008 et des mesures pour renforcer
l’éloignement des « étrangers » à Mayotte,
c’est-à-dire des Anjouanais, sont sur
le point d’être prises [2].
Pierre Caminade et Marc Haus
[1] Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU
du 14 décembre 1960.
[2] Loi n°2007-224 du 21 février 2007 portant
dispositions statutaires et institutionnelles à
l’Outre-Mer qui autorise le gouvernement à
prendre par ordonnance (article 19 du titre 8
« dispositions applicables à Mayotte ») des « dispositions
relatives au caractère non suspensif des
recours juridictionnels dirigés contre certains
actes visant à l’éloignement des étrangers en situation
irrégulière ».