Parmi un ensemble d’intervenants
prestigieux, la présence lors de la
séance d’ouverture du forum finement
intitulé « Un monde imprévisible »,
figurait un intrus : Denis Sassou Nguesso.
Après vingt-cinq années de pouvoir exercé
sans partage, l’avenir du Congo sous la présidence
de Denis Sassou Nguesso n’est malheureusement
que trop prévisible.
De fait, l’endettement du Congo bat
des records [1], en dépit d’importantes
ressources pétrolières qui ont fait
l’objet de détournements massifs
dénoncés par le Fond monétaire international
(FMI) et de ventes gagées
par anticipation pour des projets
d’investissements fictifs.
Le niveau de pauvreté extrême (70%
de la population vit en-dessous du
seuil de pauvreté) contraste avec le
train de vie de Denis Sassou Nguesso
et de ses proches, dont la presse internationale
souligne régulièrement
les extravagances. Le parquet de
Paris a, du reste, jugé recevable en
juin dernier une plainte pour « recel
de détournement de fonds publics »
concernant ses propriétés immobilières
détenues en France.
Une corruption endémique, qui touche
tous les niveaux du pouvoir. Elle
est dénoncée depuis des années par
les organisations de la société civile
congolaises et internationales [2]. De
plus, l’état de délabrement général des
infrastructures du pays, dont les populations
sont les premières victimes, est
manifeste : un accès à l’eau potable
très difficile, l’inexistence de réseaux
électriques dans les petites villes et
dans les campagnes, des coupures de
courant quotidiennes dans les grandes
agglomérations, un réseau routier hors
d’usage, des équipements de santé et
éducatifs à l’abandon, des problèmes
d’hygiène et d’insalubrité récurrents
entraînant des épidémies intermittentes
de choléra et de fièvre typhoïde, maladies
pourtant considérées
comme éradiquées.
Bien plus grave, encore,
que cette incompétence
crasse
en matière de développement
durable,
c’est l’hommage
ainsi rendu au responsable
d’un régime
criminel qui
nous révolte.
En 1991, la
conférence
nationale souveraine
du
Congo-Brazzaville
imputait
3 000 assassinats à la première
dictature de Denis Sassou Nguesso,
de 1979 à 1991. Durant l’été 1997,
puis en 1998-1999, l’ancien dictateur
revient et se maintient au pouvoir
par les armes, n’hésitant pas
à lancer ses milices, qui auront
recours au viol systématique contre
les civils. Le conflit fera plusieurs dizaines
de milliers de morts en quelques
mois. En juillet 2002, la cour d’appel
de Paris a donné raison sur le fond à
François-Xavier Verschave, auteur de
Noir Silence – Qui arrêtera la Françafrique
?, qui avait qualifié Denis Sassou
Nguesso de « dictateur », auteur de
« crimes contre l’humanité » au Congo-
Brazzaville [3].
Pour toutes ces raisons, l’invitation
faite à Denis Sassou Nguesso de participer
à ce forum est plus qu’indécente.
Elle n’a en fait d’autre effet que de
lui délivrer un brevet d’honorabilité.
Les sénateurs auraient-ils accepté
d’accueillir, par exemple, le chef de la
junte birmane, Than Shwe ?
RDB
[1] Le Congo est le pays le plus endetté au monde
par tête d’habitant
[2] Voir à cet égard les rapports édifiants de l’ONG
britannique Global Witness (voir, par exemple,
« République du Congo : bilan des réformes de
transparence », déc. 2005).
[3] Denis Sassou Nguesso avait intenté en
2000 un procès pour offense à chef d’État
contre François-Xavier Verschave, président
de l’association Survie. En 2001, il a perdu en
première instance, car le Tribunal a estimé que le
délit invoqué était contraire à la Convention européenne
des droits de l’Homme. En juillet 2002,
la justice a donné raison à l’auteur sur le fond.