Un rapport récent du FMI « l’Afrique subsaharienne face à la crise, perspectives économiques régionales » [1] montre comment le FMI entend garder en vie la proie africaine pour la sauvegarde du système financier mondial et de ses bénéficiaires.
Le rapport, à lire entre les lignes et à déchiffrer à partir du jargon des technocrates, s’ouvre sur une claironnante déclaration de satisfaction pour les dix dernières années au motif qu’elles ont été, en Afrique, des années de croissance assez forte et que le FMI s’en attribue le mérite par ses directives. Il n’y a cependant aucune mention, en dehors de la constatation de la croissance, de l’absence notable de recul de la pauvreté qui l’a accompagnée. C’est quand même un sujet qui mériterait d’être longuement étudié. On préfère là-dessus fermer les yeux. La croissance est toujours considérée dogmatiquement comme seul facteur d’un recul déclaré « souhaitable » – seulement ? – de la pauvreté, malgré la preuve de son inefficacité dans certains contextes, notamment africains, de corruption de l’Etat.
L’exposé concerne essentiellement le retentissement de la crise mondiale sur les économies africaines avec le souci n°1 : pourront-elles continuer à rembourser leurs dettes ?
En effet, les ressources africaines dépendant essentiellement de leurs exportations de denrées agricoles et de matières premières, ces ressources baisseront si leurs clients étrangers n’ont plus d’argent. L’effet s’est déjà fait largement sentir sur le pétrole.
La crise pourrait aussi inciter les capitaux étrangers à s’en aller, non qu’ils ne fassent de très bons rendements en Afrique, mais, les maisons mères étant ruinées, elles ont besoin de rassembler toutes leurs ressources pour leur propre sauvegarde. Le système bancaire des pays de l’aire CFA est en effet détenu en moyenne pour les trois quarts par des banques françaises. Les envois de fonds par la diaspora pourraient aussi baisser.
L’Afrique n’a, directement, rien perdu dans la crise. Les Africains n’ont jamais eu de capitaux à investir dans l’économie de casino. Les effets sont tous des effets induits par la faillite de la gestion des pays riches. C’est une excellente raison apparemment pour que ces pays, par la voix du FMI, leur donnent toutes les directives pour régenter leur comportement et leurs décisions.
Et, d’abord, de dévaluer leur monnaie, ce qui appauvrira considérablement leurs habitants mais permettra à ceux des pays importateurs de continuer à consommer des produits exotiques, bananes, café, cacao. On va donc probablement assister à une dévaluation du CFA, dont le plus grand intérêt proclamé par ses défenseurs tient, paraît-il, dans sa parité fixe… sauf quand il s’agit de sauver le pouvoir d’achat au Nord.
Le plus grand problème finalement sera d’éviter les troubles sociaux alors qu’on pressurera un peu plus encore les pauvres. Sur ce point le FMI n’a pas de solution. Il constate que les Etats africains ont très peu de moyens de protection sociale. Il encourage donc les pays riches à ne pas diminuer leur aide et même à l’augmenter. Bien qu’ils soient en difficulté, cela ne représente pas grand-chose pour eux et cela peut rapporter gros en maintenant le statu quo des relations de dépendance Nord-Sud, tellement avantageux.
Bien sûr la principale prescription du Knock mondial est : surtout pas de protectionnisme ! On peut en conclure que la seule chance pour les Africains d’avoir une vie meilleure serait de profiter de cette crise pour s’émanciper de la tutelle des institutions financières internationales et de leurs riches actionnaires, de se consacrer au développement autocentré de leur économie, de produire pour eux, d’augmenter le prix de leurs ressources pour pouvoir investir dans la construction d’infrastructures et donner du travail à leurs habitants, d’entamer enfin le cycle d’un développement endogène de l’Afrique, le seul qui ne soit pas une chimère.
Odile Tobner