Les manoeuvres de l’Etat, à deux mois du procès en appel de l’Angolagate, se multiplient alors que Pierre Falcone reste en prison. Objectif : enterrer le dossier qui empoisonne les relations économiques avec l’Angola.
Le 27 octobre 2009, à la surprise générale, malgré les manoeuvres et les multiples pressions politiques, Pierre Falcone, le personnage central de l’Angolagate, était condamné à six ans de prison ferme pour avoir organisé un vaste trafic d’armes entre la France et l’Angola, pays alors en guerre civile et soumis à un embargo de l’ONU. Affaire qui impliquait notamment Charles Pasqua, Jean-Christophe Mitterrand ou encore l’ancien préfet Jean- Charles Marchiani.
Le parquet général, n’avait pas, lui non plus, ménagé ses efforts pour sauver le soldat Falcone en épousant quasiment toute la ligne des avocats de la défense. Arguant de « difficultés juridiques » du fait du statut diplomatique de Pierre Falcone, privilégiant une « immunité de juridiction », c’est-à-dire la compétence de la justice française à le juger, à une « immunité d’exécution » qui interdit d’entraver la liberté d’aller et venir d’un diplomate, l’avocat général avait requis « la présomption d’innocence » (Billets d’Afrique, janvier 2010).
Mais la chambre financière de la cour d’appel de Paris, présidée par Christian Pers, avait rejeté cette analyse en considérant que « les faits reprochés à Pierre Falcone étaient antérieurs à sa nomination par l’Etat angolais » et « sans lien avec l’exercice de ses fonctions diplomatiques ». L’arrêt de la cour rappelait que Falcone avait été « opportunément » nommé en juin 2003 (dix ans après les faits) « en qualité de ministre conseiller de la représentation permanente angolaise auprès de l’Unesco pour une activité couverte selon lui par le secret diplomatique ».
Le 17 novembre dernier, pour la troisième fois en un an, la cour d’appel a donc rejeté la demande de remise en liberté de Pierre Falcone, qui restera donc en prison jusqu’au procès en appel de l’affaire de l’Angolagate en janvier prochain (du 19 janvier au 4 mars).
Sauf que l’appel ne sera pas présidé, comme initialement prévu, par Christian Pers, nommé opportunément conseiller la Cour de Cassation par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).
Rappelons, à toutes fins utiles, que le CSM est présidée par le Président de la République et que le vice-président en est le Garde des Sceaux. « Il lui a été signifié qu’il était le meilleur, et qu’il était donc promu au poste qu’il demandait à la cour de cassation » raconte un magistrat.
On ne peut pas dire que son successeur a été choisi au vu de ses compétences dans les dossiers de trafic d’armes : Alain Guillou [1] était, jusqu’à présent, chargé des délits dans les transports et de la circulation.
Le juge Guillou peut, d’ors et déjà, annuler ses vacances de fin d’année et sacrifier tous ses weekends d’ici le 19 janvier : il dispose de deux mois, à raison de quatre volumes par jour, pour ingurgiter les 250 volumes d’une exceptionnelle complexité du dossier de l’Angolagate !
Ce croche-pied fait à la justice survient après que l’un des assesseurs de Christian Pers a été approché par un collaborateur de l’ex-ministre du Travail, Eric Woerth (Le Canard enchaîné, 17 novembre).
Cet émissaire lui a proposé, sans succès, de quitter son poste pour une vague « mission » de la plus haute importance.
Ce qui est moins vague, et nettement plus clair, ce sont les manoeuvres grossières de l’Etat pour enterrer le dossier de l’Angolagate et redorer ainsi les relations entre la France et l’Angola, 1er producteur africain de pétrole.
En 2008, à l’ouverture du procès, Survie signait un communiqué « Quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort ». C’est plus que jamais d’actualité.
[1] Ironie de l’affaire, c’est l’homonyme d’un autre Alain Guilloux, avocat fiscaliste sulfureux… et ancien avocat de Falcone et d’Arcadi Gaydamak.