Hervé Morin, ex-ministre de la Défense, persiste et signe. Dans une lettre datée du 24 janvier 2011, il appuie publiquement la défense de Pierre Falcone comme il l’avait déjà fait en juillet 2008 alors qu’il était en poste.
Depuis le 19 janvier, la cour d’appel de Paris rejuge l’affaire de l’Angolagate.
Les deux principaux acteurs, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak, ont été condamnés, en 2009, à six ans de prison, au grand dam de l’Elysée, pour avoir organisé dans les années 1990 la vente à l’Angola de matériel militaire, armes et munitions provenant de pays de l’Est, sous couvert d’une société slovaque (ZTS-Osos), pour 790 millions de dollars gagés sur les recettes futures du pétrole angolais.
Les prévenus, revendiquant la fourniture d’armement à l’Angola, affirment être venus en aide à un gouvernement légitime et assiégé mais contestent la conclusion de l’enquête et du tribunal selon laquelle ce commerce était illicite. C’est d’ailleurs leur dernière ligne de éfense, quelque peu désespérée, sur fond de multiplesmanœuvres de l’Elysée pour sauver le soldat Falcone et surtout rouvrir le robinet du pétrole angolais. (Billets d’Afrique n°197, décembre 2010).
La défense de Falcone soutient que la vente n’avait pas besoin d’autorisation française, puisque les armes n’ont pas transité par la France. Elle en veut notamment pour preuve une stupéfiante lettre, écrite le 11 juillet 2008, par le ministre de la Défense d’alors, Hervé Morin, qui n’hésitait pas, à quelques semaines du procès, à soutenir publiquement le marchand d’armes mis en examen.
Morin y affirmait que, par conséquent, « le ministère de la Défense n’aurait jamais dû déposer plainte dans cette affaire de commerce d’armes puisqu’il n’y a jamais eu de « trafic » à proprement parler à partir de la France ». Ce n’était pas l’avis de son homologue du gouvernement Jospin, Alain Richard, à l’origine de la plainte en 2001, plainte jugée tout à fait valable puisque la signature des contrats d’armement a bien eu lieu en France.
D’après les investigations de Global Witness, plusieurs contrats de la livraison d’armes ont été signés sur le territoire français. « Lorsque les premiers contrats d’armes entre ZTS-Osos et l’Angola ont été signés en 1993 et 1994, Brenco France se trouvait au 56, avenue Montaigne à Paris. Il est intéressant de noter que cette adresse et les numéros de téléphone et fax de Brenco figurent sur le contrat initial de 47 millions de dollars, avec la signature de Pierre Falcone (...) Le caractère vraiment français du dossier original de 47 millions de dollars devrait être souligné (...) Non seulement le document était écrit en français, mais il aurait aussi été envoyé à Elisio de Figueiredo [ambassadeur itinérant de l’Angola] qui était posté à Paris. » [1]
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait d’ailleurs validé la quasi-totalité de l’enquête.
Surprise ! Le 26 janvier 2011, l’un des avocats de Falcone, Me Veil, a versé au dossier une nouvelle lettre, datée du 24 janvier, d’Hervé Morin, qui n’est plus au gouvernement, mais confirme ce qu’avaient conclu ses services.
Il s’agit là d’un soutien persistant à Falcone. Au-delà d’une argumentation juridique plus que bancale, il est indigne, que dans un tel dossier brûlant, un ex-ministre, qui plus est candidat déclaré à la présidence de la République, vole au secours des prévenus.
[1] Global Witness, Les Affaires sous la guerre, Armes, pétrole & argent sale en Angola, Marseille Agone, 2003.