Le 3 février, la Cour de cassation a consacré la victoire finale de Denis Robert et de son éditeur Les Arènes sur la Chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, au terme de dix ans de harcèlement judiciaire et médiatique : si 600 journalistes avaient envoyé leur carte de presse en soutien, de puissants médias s’étaient fait le relais d’une cabale visant à discréditer un travail d’investigation que la justice reconnaît aujourd’hui comme sérieux.
Clearstream se prétendait diffamée par le travail du journaliste, qui avait notamment mis en lumière un système de comptes officieux et de comptes non publiés permettant « le blanchiment d’argent, en passant par le délit d’initié, la corruption ou l’évasion fiscale » voire des activités de nature criminelle.
Elle avait multiplié les procédures à son encontre, pour presque chaque nouvel article ou interview, ne visant pas forcément la condamnation mais plutôt l’étouffement : le principe même de poursuites-bâillons, que subissent de nombreux lanceurs d’alertes (comme les chercheurs Christian Vélot sur les OGM ou Pierre Méneton sur la surconsommation alimentaire de sel) et les coauteurs et l’éditeur de l’ouvrage Noir Canada, poursuivis par la société minière Barrick Gold qui s’estime diffamée par la description qui est faite du pillage de l’or en Afrique.
Cette victoire de Denis Robert et de ses soutiens est donc une victoire du journalisme et de la liberté d’expression sur des adversaires aussi puissants que Clearstream, qui devra vraisemblablement s’acquitter de « réparations » vis-à-vis du journaliste (la Cour d’appel de Lyon devra prochainement en fixer les modalités).
Mais en validant le travail de Denis Robert, la Cour de cassation confirme (pour celles et ceux qui s’étaient permis d’en douter) les perspectives qu’ouvraient les ouvrages « Révélation$ » (2001) et « La boîte noire » (2002).
Alors que les financiers ne cessent de prétendre qu’il est impossible de suivre les mouvements de capitaux, et donc de les taxer et de les juguler, Denis Robert a montré depuis dix ans que les chambres de compensation sont des lieux d’enregistrement et de traçabilité de l’ensemble de ces flux : celles-ci permettent en effet aux établissements bancaires et aux institutions financières de se « compenser » les montants dus les uns aux autres à la suite de leurs transactions sur les différents marchés de la planète, et gardent une trace de ces mouvements de capitaux. Tout passe par là, c’est donc là qu’il faut agir.
Alors qu’une coalition d’organisations du monde entier vient de lancer depuis le FSM de Dakar un appel au G20 pour « mettre fin à l’opacité financière des paradis fiscaux » [1], il y a là une piste de mise en œuvre concrète.
[1] Signez l’appel « Mettre fin à l’opacité financière des paradis fiscaux » sur www.g20stopparadisfiscaux.org