Survie

Biya, un président inamovible

(mis en ligne le 6 octobre 2011) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

« Le président Biya ne
prend le pouvoir qu’avec le
soutien d’Elf pour contenir
la communauté anglophone
de ce pays
 » expliquait Loïk
Le Floch-Prigent [1] en 1996.
Il s’est ensuite maintenu
au pouvoir avec l’aide des
autorités françaises.

En réalité, c’est surtout en 1992,
qu’Elf a apporté un soutien financier
déterminant à Biya qui lui a permis
de rester au pouvoir face à l’anglophone
Fru Ndi. L’armée française aida ainsi
activement Biya à rester au pouvoir : « En
1993, elle a fourni au régime 50 millions de
francs de matériel de répression... En février
1994, les services français ont déjoué un
projet de coup d’État au stade ultime de sa
préparation. Le chef de la DGSE, le général
Jacques Dewatre, a été chargé de “déminer”
l’armée camerounaise... Fin 1999, l’armée
camerounaise était encore conseillée
et encadrée par plus de cent officiers et
sous-officiers français
 ».

C’est cette armée
bien encadrée qui assassina, en 2000 et
2001, plus d’un millier de personnes : le
« commandement opérationnel » institué par
Biya pour lutter contre le grand banditisme
dans la région de Douala, procède alors
à des rafles et plus de mille personnes
disparaissent ou sont tuées [2]. Les militaires
incriminés n’ont jamais été condamnés,
sans que ça émeuve grand monde en France.

Il faut dire que Biya dispose de réseaux de
tout bord : des socialistes Michel Charasse
et Michel Rocard aux chiraquiens Alain
Juppé et Jacques Toubon, en passant par
l’avocat électron libre Jacques Vergès,
proche de la première dame Chantal Biya,
les visiteurs du palais appartiennent à
différents cercles d’influence.

Ce soutien
se traduit également par la traditionnelle
validation de farce électorale. Ainsi, en
1997, à la suite de législatives truquées,
l’État français finance tout de même
l’élection présidentielle boycottée par
les opposants réels, pour 730 millions de
francs, et coopère techniquement pour
crédibiliser les résultats d’une élection
sans valeur démocratique. Depuis, les
dirigeants politiques français ont toujours
avalisé les différents scrutins et tenté
d’offrir à Biya le semblant de légitimité
qui lui manque.

Le Premier ministre
François Fillon s’est par exemple rendu en
visite officielle au Cameroun du 20 au 22
mai 2009, avec les ministres Eric Besson,
Alain Joyandet, Jean-Marie Bockel,
Hervé Novelli, pour signer de nouveaux
accords, notamment dans les domaines du
partenariat de défense, des migrations et
du développement.

Plus récemment, début
juillet 2011, Henri de Raincourt, ministre
de la coopération, s’est lui aussi rendu au
Cameroun pour y délivrer son message
Défilé du 14 juillet 2010, Paul Biya à la droite de Nicolas Sarkozy
sur les élections : « La France, de la
manière la plus solennelle qui soit, affirme,
et personne ne peut prouver le contraire,
qu’elle n’a pas de candidat. La France fait
confiance à la démocratie, à la sagesse des
peuples, pour se choisir les représentants
qu’elles désirent, c’est-à-dire, le président,
la majorité au parlement, etc. La France, en
la matière, ne s’ingère pas dans la politique
intérieure des pays africains.
 »
Comme un air de déjà vu...

Et si, comme on l’a appris fin août,
l’attaché de sécurité de l’ambassade de
France est aussi conseiller du délégué
général à la Sureté nationale camerounais,
c’est évidemment par souci de non
ingérence.

[1L’express, 12 décembre 1996, cité par François-
Xavier Verschave dans Noir Silence, page 176.

[2« Une affaire de nègres », documentaire
d’Osvalde Lewat (2009)

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 206 - octobre 2011
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