Survie

Silence sur les manifestations contre Blaise Compaoré au Burkina

rédigé le 1er août 2013 (mis en ligne le 4 novembre 2013) - Bruno Jaffré

Les politiques français s’entêtent à chanter les louanges du dictateur burkinabé au
pouvoir depuis 1987 et sa collaboration à la guerre française au Mali n’a rien arrangé.
Pourtant le leader de l’opposition ne devrait pas inquiéter les intérêts français, alors que le
régime se trouve en grande difficulté

Ségolène Royale avait déjà déclaré
en 2011 : « Le Burkina peut
compter sur moi dans sa volonté
de redorer son image à l’étranger
 » [1]. Une
image, il est vrai, quelque peu détériorée
après 3 mois de chaos, entre la révolte de
la jeunesse et de multiples mutineries de
militaire à travers tout le pays.

La dernière perle vient d’Elisabeth
Guigou après une audition de Blaise
Compaoré le 5 juin 2013, devant la
commission des affaires étrangères :
« Ces applaudissements, qui ne sont pas
systématiques dans notre Commission,
témoignent de notre gratitude pour le
rôle que vous jouez et pour la vision que
vous avez du développement de votre
pays et du continent africain
 ». Mais si
Ségolène faisait campagne pour être
réélue présidente de l’association
internationale des régions francophones,
Elisabeth Guigou, elle, parle au nom des
parlementaires français, elle-même
personnalité dirigeante du parti socialiste
au pouvoir ! Nulle voix discordante ce
jour-là
parmi les parlementaires présents [2].

La guerre au Mali n’excuse pas tout et
surtout pas un soutien aussi manifeste au
dictateur Blaise Compaoré, dont on
connait les liens avec le MNLA.A moins
bien sur que la France soutienne aussi en
sous-main
ce mouvement
qui prône
l’indépendance du Nord Mali, pourtant
déclencheur de la guerre.

Mais le plus grave c’est l’ignorance réelle
ou feinte, voir l’incompétence des
dirigeants socialistes qui paraissent
aveuglés par les apparences du médiateur
« efficace » Compaoré au point de ne pas
voir la situation réelle du Burkina Faso.

Pourtant, deux rapports particulièrement
virulents contre le régime sont sortis : l’un
d’International Crisis Group intitulé
« Burkina Faso, avec ou sans Campaoré,
le temps des incertitudes
 »
publié le 22
juillet 2013, l’autre sous la forme d’une
lettre pastorale des évêques du Burkina
publiée le 15 juillet 2013.

L’opposition mobilisée contre Compaoré

Et comme pour illustrer leur pertinence,
des manifestations historiques viennent
de se dérouler au Burkina. Et ce n’est
sans doute pas fini. Le projet de
constituer le sénat, que d’aucun juge
inutile et onéreux pour ce pays pauvre, a
servi de prétexte. En réalité, c’est contre
Blaise Compaoré que la population
manifeste. Avec des foules jamais vues
depuis celles qui avaient défilé après
l’assassinat de Norbert Zongo en 1998.

Manifestations à Ouagadougou le 28 juillet 2013
© Amidou Kabré

L’article 37 de la constitution actuelle
empêche Blaise Compaoré de se
présenter aux prochaines présidentielles
prévues en 2015, alors qu’il est au
pouvoir depuis l’assassinat de Thomas
Sankara, le 15 octobre 1987. Ça fera alors
28 ans. Il garde le silence sur ses
intentions, mais ses partisans font
ouvertement campagne pour modifier
l’article en question, proposant même un
référendum.

Les manifestations ont été organisées par
les partis opposés au régime, regroupés
derrière le Chef de fil de l’opposition,
une institution, reconnue et financée par
l’Etat, et personnifiée par le leader du
premier parti de l’opposition Zéphirin
Diabré. Ancien ministre de Blaise
Compaoré, il a fait une carrière
internationale au sein du groupe Castel,
puis à la tête d’AREVA Afrique. Libéral
bon teint, il ne devrait pourtant pas trop
remettre en cause les intérêts français.

Pour l’instant Zéphirin Diabré joue la
mobilisation populaire. Mieux il s’est
allié avec les partis de la gauche le PDS
Metba (partie pour la démocratie sociale,
parti des bâtisseurs, et l’UNIR/PS, Union
pour le renouveau, parti sankariste, les
deux principaux partis de l’opposition,
derrière son tout nouveau parti, l’UPC
(Union pour le changement). Cette unité
a complètement changé la donne
politique au Burkina. L’espoir renait, la
mobilisation aussi, l’alternative se
profile.

Des mouvements citoyens se
créent pour mobiliser les jeunes, qui
constitue le gros des manifestants, dont
beaucoup se méfient des partis politiques,
à l’image du « Balai citoyen » « pour
nettoyer le pays
 », créé par deux artistes
engagés parmi les plus populaires du
pays, Sams’K Le Jah et Smockey.

L’alternance se prépare dans la rue. Les
médias n’en soufflent mot. La France se
tait. Considère-t-elle
Blaise Compaoré
comme indispensable, depuis la guerre du
Mali ? Ce serait un bien mauvais calcul,
car il est manifeste que le Burkina ne
veut plus de Blaise Compaoré.

[1Voir
Histoires de dames 2, Billets d’Afrique
208, décembre 2011

[2Voir
le compte-rendu
de l’audition sur le
site de l’Assemblée national
e

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 227 - septembre 2013
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