Survie

20ème anniversaire de la mort d’un parrain de la Françafrique

rédigé le 5 janvier 2014 (mis en ligne le 3 mars 2014) - Kalidou Sy

Le 7 décembre dernier, se commémorait les vingt ans de
la disparition de Félix Houphouët-Boigny. Cet ami intime
de Jacques Foccart avec qui il tira les ficelles de la
Françafrique disposa d’une grande aura dans la classe
politique française. Retour sur le parcours de celui qu’on
surnommait « le sage ».

Il y a vingt ans, la Françafrique perdait
l’un de ses piliers en la personne de « 
Nanan Houphouët ». Né aux alentours
de 1900 à N’Gokro et issu d’une lignée
royale baoulé, il fut le personnage le plus
important pour la France sur le continent
noir.

Major de l’école de médecine de
l’AOF en 1926, il fonda le RDA
(Rassemblement Démocratique Africain)
en 1946. « FHB » c’est l’homme qui ne
voulait pas entendre parler
d’indépendance. Lui, étant favorable à la
Communauté Franco-Africaine.
D’ailleurs, il en gardera une certaine
rancoeur envers De Gaulle. Rancuniers,
les ivoiriens peuvent l’être à son égard
quand on sait que sa fortune personnelle
fut estimée entre 7 et 10 milliards
d’euros dans ses dernières années. Et
pour cause, à sa mort il laisse son pays
avec un endettement record : 240% de sa
production annuelle !

Le peu d’argent que possédait son État
fut investi dans des projets dont la
grandeur était proportionnelle à son ego.
Citons la construction de la Basilique de
Yamoussoukro qui a été reconnue en
1989 par le livre Guinness des records
comme le plus grand édifice religieux
chrétien au monde. Le bâtiment a coûté
100 milliards de FCFA [1] (près de 300
millions d’euros) payés entièrement en
billets de banque. Un des nombreux « 
cadeaux » de Foccart, qu’il avait quasi
quotidiennement au téléphone.

Avec son ami Jacques, il orchestra avec
efficacité et sans états d’âme le soutien
des uns et la déstabilisation des autres,
fort de moyens humains et financiers
considérables. Parmi les plus
mémorables, on notera les nombreux
complots menés contre Sékou Touré,
notamment lors de la tentative
d’anéantissement de l’économie
guinéenne (avec la complicité du
SDECE) en y déversant de faux francs
guinéens en guise de punition car Sékou
Touré avait osé quitter le FCFA en mars
1960.

Le tandem Foccart-Houphouet
frappa
sept ans plus tard au Nigeria, en
soutenant le leader sécessionniste biafrais
Ojukwu. Durant trente mois, une terrible
guerre civile, qui fit de 2 à 3 millions de
victimes, fut en partie organisée par cette
doublette par le biais de financements
servant à l’achats d’armes. En contrepartie,
des contrats commerciaux étaient
négociés (pétrole, minerais). Signe de
son implication : Houphouet fut
surnommé « BB » (Big Brother) par les
leaders biafrais...

Mais ce n’est pas tout, sa Côte d’Ivoire a
été le sanctuaire du NPFL (National
Patriotic Front of Liberia) de Charles
Taylor durant la guerre du Libéria, c’est
là où transitait l’approvisionnement en
armes et en munitions. Enfin, il est
légitime de s’interroger sur les liens
obscurs qu’il noua avec Blaise Compaoré
juste avant l’assassinat de Thomas
Sankara. Ce même Blaise à qui il maria
une femme de son entourage (Chantal
Terasson). Houphouët fit preuve d’une
loyauté et d’un dévouement sans égal
envers la France.

Quant à la Côte d’Ivoire, la situation
politique de sa terre natale depuis vingt
ans est gangrenée par des luttes de
pouvoir mêlant conflits ethniques et
ingérence qui amena au pouvoir Alassane
Ouatarra en 2011. Pendant ce temps là,
Laurent Gbago croupit à la CPI : la Côte
d’Ivoire où comment passer en 40 ans de
l’utopique « miracle ivoirien » à la réalité
du « mirage ivoirien ».

[1Chiffres
tirés de Jeune Afrique, 50 ans
d’histoire africaine et La Francafrique, le plus
long scandale de la République, FrançoisXavier
Verschave

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 231 - janvier 2014
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