Le 7 décembre dernier, se commémorait les vingt ans de la disparition de Félix Houphouët-Boigny. Cet ami intime de Jacques Foccart avec qui il tira les ficelles de la Françafrique disposa d’une grande aura dans la classe politique française. Retour sur le parcours de celui qu’on surnommait « le sage ».
Il y a vingt ans, la Françafrique perdait l’un de ses piliers en la personne de « Nanan Houphouët ». Né aux alentours de 1900 à N’Gokro et issu d’une lignée royale baoulé, il fut le personnage le plus important pour la France sur le continent noir.
Major de l’école de médecine de l’AOF en 1926, il fonda le RDA (Rassemblement Démocratique Africain) en 1946. « FHB » c’est l’homme qui ne voulait pas entendre parler d’indépendance. Lui, étant favorable à la Communauté Franco-Africaine. D’ailleurs, il en gardera une certaine rancoeur envers De Gaulle. Rancuniers, les ivoiriens peuvent l’être à son égard quand on sait que sa fortune personnelle fut estimée entre 7 et 10 milliards d’euros dans ses dernières années. Et pour cause, à sa mort il laisse son pays avec un endettement record : 240% de sa production annuelle !
Le peu d’argent que possédait son État fut investi dans des projets dont la grandeur était proportionnelle à son ego. Citons la construction de la Basilique de Yamoussoukro qui a été reconnue en 1989 par le livre Guinness des records comme le plus grand édifice religieux chrétien au monde. Le bâtiment a coûté 100 milliards de FCFA [1] (près de 300 millions d’euros) payés entièrement en billets de banque. Un des nombreux « cadeaux » de Foccart, qu’il avait quasi quotidiennement au téléphone.
Avec son ami Jacques, il orchestra avec efficacité et sans états d’âme le soutien des uns et la déstabilisation des autres, fort de moyens humains et financiers considérables. Parmi les plus mémorables, on notera les nombreux complots menés contre Sékou Touré, notamment lors de la tentative d’anéantissement de l’économie guinéenne (avec la complicité du SDECE) en y déversant de faux francs guinéens en guise de punition car Sékou Touré avait osé quitter le FCFA en mars 1960.
Le tandem Foccart-Houphouet frappa sept ans plus tard au Nigeria, en soutenant le leader sécessionniste biafrais Ojukwu. Durant trente mois, une terrible guerre civile, qui fit de 2 à 3 millions de victimes, fut en partie organisée par cette doublette par le biais de financements servant à l’achats d’armes. En contrepartie, des contrats commerciaux étaient négociés (pétrole, minerais). Signe de son implication : Houphouet fut surnommé « BB » (Big Brother) par les leaders biafrais...
Mais ce n’est pas tout, sa Côte d’Ivoire a été le sanctuaire du NPFL (National Patriotic Front of Liberia) de Charles Taylor durant la guerre du Libéria, c’est là où transitait l’approvisionnement en armes et en munitions. Enfin, il est légitime de s’interroger sur les liens obscurs qu’il noua avec Blaise Compaoré juste avant l’assassinat de Thomas Sankara. Ce même Blaise à qui il maria une femme de son entourage (Chantal Terasson). Houphouët fit preuve d’une loyauté et d’un dévouement sans égal envers la France.
Quant à la Côte d’Ivoire, la situation politique de sa terre natale depuis vingt ans est gangrenée par des luttes de pouvoir mêlant conflits ethniques et ingérence qui amena au pouvoir Alassane Ouatarra en 2011. Pendant ce temps là, Laurent Gbago croupit à la CPI : la Côte d’Ivoire où comment passer en 40 ans de l’utopique « miracle ivoirien » à la réalité du « mirage ivoirien ».
[1] Chiffres tirés de Jeune Afrique, 50 ans d’histoire africaine et La Francafrique, le plus long scandale de la République, FrançoisXavier Verschave