[NB : cet article a été rédigé le 1er septembre, avant le coup d’État qui vient d’avoir lieu au Burkina Faso]
Tout semble prêt pour les que les élections couplées, présidentielle et législatives, aient
bien lieu le 11 octobre comme prévu. L’histoire semble donner tort aux détracteurs du
gouvernement de transition, qui n’ont cessé d’affirmer que le premier ministre manœuvrait
pour se prolonger au pouvoir, avec de nombreux complices de la société civile.
Issues de tractations entre l’armée et la société civile, puis d’une concertation de toutes les forces vives du pays, les
institutions de la transition ont d’abord eu
du mal à se mettre en place. Les partis
politiques les plus importants se sont
fixés comme objectif les élections,
laissant la gestion du pouvoir à des
ministres souvent peu expérimentés. Le
CNT (Conseil national de la Transition),
qui fait office d’Assemblée nationale,
compte en son sein peu de personnes
rompues au travail législatif.
Pour éviter l’hostilité de la communauté
internationale, il a été décidé de rétablir la
Constitution
suspendue
suite
à
l’insurrection. Faute de volonté politique
claire, les autorités mises en place ont
laissé les anciens dirigeants sortir leur
fortune du pays sans réagir. Aucune
arrestation n’a eu lieu pendant plusieurs
mois. Le Premier ministre s’est répandu
en déclarations à l’emportepièce. Ne
voyant rien venir, la déception gagnait les
insurgés.
Il a fallu près de trois mois pour que de
réels signes de changement apparaissent.
La première réforme adoptée fut le
nouveau Code électoral interdisant aux
partisans du changement de constitution [1]
de se présenter aux élections. Ce code
électoral fit consensus à l’époque, sauf
évidemment parmi les partis de
l’ancienne majorité. Mais il a récemment
été contesté par la CEDEAO, considérant
l’exclusion trop imprécise.
Le rapport de force n’a pas permis
l’arrestation des chefs du Régiment de
sécurité présidentielle, bras armé du
régime coupable d’exactions. Ainsi, sous
l’impulsion de Gilbert Diendéré, ancien
bras droit de Compaoré, qui bénéficie du
soutien de la France et des EtatsUnis, la
transition a connu trois crises graves, la
dernière s’étant soldée par la mise à l’écart
du colonel Auguste Barry, le ministre en
charge de la sécurité, le plus populaire
parmi les anciens insurgés. Une demi
victoire pour Diendéré qui demandait la
démission de tous les militaires dont le
premier ministre Issac Zida, issu de ses
rangs mais qu’il ne contrôle pas.
De nombreuses réformes ont suivi, sous
la houlette du président du CNT, le
journaliste Cheriff Sy et quelques cadres
issus de la société civile. Citons
notamment et la liste n’est pas
exhaustive les États généraux de la
Justice, un nouveau code minier,
beaucoup
moins
favorable
aux
investisseurs et dégageant des ressources
pour le développement local et national,
la réforme de la gestion des baux
administratifs qui permettaient aux
proches de Compaoré, de ponctionner les
biens de l’État en louant à des prix
onéreux des immeubles dont ils étaient
propriétaires, l’adoption d’un nouveau
code militaire, la loi contre la corruption
suivie, la mise en place de la Haute cour
de justice pour juger les
anciens
dignitaires ou d’anciens chefs d’état qui a
déjà permis l’arrestation récente de
plusieurs ministres, la mise en place d’une
commission
d’enquête
sur
le
recouvrement des créances de l’État
évaluées à 1 milliard de FCFA par an, la
rédaction d’une nouvelle constitution,
autant de dispositions, de lois et de
réformes qui montrent bien qu’au sein des
acteurs de la transition, des forces
s’engagent pour que soient prises en
compte les aspirations des insurgés. Et ce
n’est pas tout. Une Commission de la
réconciliation nationale et des réformes, a
été mise en place en mars 2015 qui n’a
pas encore rendu son rapport.
En réalité une lutte sourde, souterraine
s’est engagée entre les partisans du
changement, qui voulaient poser les actes
d’un véritable changement avant le tenue
des élections et ceux qui pensaient que le
gouvernement devait se contenter de
gérer les affaires courantes et se consacrer
à la préparation des élections.
Le
Conseil
constitutionnel,
vient
d’invalider toutes les candidatures aux
législatives des anciens ministres et
députés qui ont soutenu la modification
de l’article 37. Le Code électoral issu du
CNT est donc appliqué. A la grande
satisfaction des anciens insurgés, et à
l’encontre de l’avis de la CEDEAO. Les
appels à manifester du CDP, ont échoué.
Il a finalement accepté de participer au
scrutin et de remplacer les candidats
invalidés. Pour la présidentielle, prévue
aussi le 11 octobre, plusieurs candidats de
l’ex majorité présidentielle, dont celle du
du CDP sont invalidés, mais d’autres
personnalités de l’ancien régime sont
pourtant acceptées et notamment Djibril
Bassolet, l’ancien ministre des Affaires
étrangères. Comme si le Conseil
constitutionnel avait voulu ménager la
CEDEAO au risque de ne pas apparaitre
bien cohérent.
[1] C’est suite à l’entêtement de l’ancien
Président Compaoré à changer la Constitution
pour pouvoir se représenter que le pays s’est
embrasé, entraînant la chute du régime en
octobre 2014.