Survie

Si tu veux la paix, prépare des élections

rédigé le 1er septembre 2015 (mis en ligne le 1er octobre 2015) - Yanis Thomas

Alors qu’on ne voit toujours pas l’issue de la crise, la
France mise naïvement sur l’élection présidentielle, prévue
le 18 octobre.

Tout arrive ! Après bien des reports,
l’Autorité nationale des élections
(ANE) centrafricaine a arrêté une
date pour la tenue des élections
législatives et présidentielle. Celles-ci
doivent mettre fin à la période de
transition ouverte par Michel Djotodia, le
chef de la rébellion qui avait pris le
pouvoir fin mars 2013. Pour l’instant, le
scrutin est annoncé pour le 18 octobre,
avec un deuxième tour le 22 novembre.
Mais le chemin reste pavé d’embûches. Il
faudra d’abord qu’une nouvelle
Constitution soit validée par un
referendum, qui doit se tenir le 4 octobre.
Par ailleurs, les autorités centrafricaines
font face à de lourdes difficultés
financières pour organiser ces scrutins. A
la mi-juin,
il manquait encore 18 millions
de dollars (soit presque 50% du budget
prévisionnel) dans les caisses pour que
l’ANE puisse mener sa mission à bien
(RFI, 19/06). Mais la plus grande
difficulté vient du recensement électoral.
En effet, à l’heure actuelle, plus de 450
000 Centrafricains sont réfugiés dans les
pays limitrophes (Cameroun, Tchad,
République Démocratique du Congo). Le
sujet de leur participation ou non aux
votes a d’ailleurs été l’occasion d’une
énième passe d’armes entre Catherine
Samba Panza, la présidente centrafricaine
de la transition, et Alexandre Ferdinand
N’Guendet, le président du Conseil
National de Transition (CNT, qui fait
office de représentation nationale). Le 30
juin, « le CNT [décidait] de s’opposer à
la participation des réfugiés aux scrutins
présidentiel et législatif »

(Jeuneafrique.com, 16/07), au prétexte
d’un risque de fraudes massives ; donc,
d’exclure de facto du scrutin la majeure
partie de la communauté musulmane,
chassée du pays début 2014. Une
annonce qui déplut profondément à la
présidence. Pour trancher le différend, le
Conseil constitutionnel fut saisi de
l’affaire.

Cette agitation préélectorale
n’est pas
vraiment du goût de la France. Fort
opportunément, Jean Yves
Le Drian, le
ministre français de la Défense et
véritable « Monsieur Afrique » de
François Hollande, a débarqué à Bangui
fin juillet pour discuter avec Catherine
Samba Panza de l’avancée du processus
électoral. Puis il a fait de même avec
Denis Sassou N’Guesso, l’indétrônable
dictateur du Congo Brazzaville,
censé jouer le rôle de "médiateur"
dans la crise centrafricaine [1]. Coïncidence ? Le
Conseil constitutionnel centrafricain
annonçait au même moment que les
réfugiés pourront finalement voter…
L’enjeu de ces scrutins est de taille pour
l’ancienne puissance coloniale : il s’agit
de pouvoir annoncer avant la fin de
l’année le retour à « l’ordre
constitutionnel » en Centrafrique. Ce qui
permettrait par là même
d’annoncer la
réussite de l’opération Sangaris, déployée
en décembre 2013 pour enrayer les
violences inter communautaires.
Lesquelles continuent pourtant par
endroits : fin août, des combats ont
encore fait une quinzaine de morts à
Bambari, au centre du pays (lefigaro.fr,
24/08). Il y a encore loin du bulletin à
l’urne…
Selon Jeune Afrique (27/07) « les questions
de politique intérieure congolaise (en
particulier le projet de réforme de la
Constitution) n’ont en revanche pas été
abordées », alors même que Sassou s’apprête
à tripatouiller la Constitution congolaise pour
se maintenir au pouvoir…

[1Selon Jeune Afrique (27/07) « les questions
de politique intérieure congolaise (en
particulier le projet de réforme de la
Constitution) n’ont en revanche pas été
abordées », alors même que Sassou s’apprête
à tripatouiller la Constitution congolaise pour
se maintenir au pouvoir…

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 249 - septembre 2015
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