Survie

NIGER : une base stratégique pour la France… et ses alliés

rédigé le 19 décembre 2020 (mis en ligne le 27 avril 2017) - Yanis Thomas

Déjà au cœur de l’activité africaine de production d’uranium pour Areva, le Niger devient peu à peu le hub militaire international du Sahel et un nœud de la politique d’externalisation de contrôle des migrations par l’Union européenne.

Depuis 2013 et le déclenchement de l’opération Serval au Mali, la France a pris pied militairement au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Cette intervention a eu des conséquences profondes pour son voisin oriental : le Niger. En quelques années, ce pays est devenu la base arrière de l’armée française dans la région, qui y évolue avec une très grande autonomie. L’aéroport de Niamey sert ainsi de base aérienne pour les avions de chasse de l’opération Barkhane [1]. La capitale nigérienne héberge aussi les drones de surveillance français, qui sillonnent la zone sahélo-sahélienne pour collecter du renseignement. Surtout, la France n’hésite pas à déployer des troupes sur le terrain, pour « épauler » l’armée nigérienne comme à Diffa (Sud-Est) ou plus récemment à Tillabéri (Sud-Ouest). Enfin, l’armée française a constitué un véritable avant-poste à Madama (extrême Nord-Est), face à la frontière libyenne, qui sert de point d’ancrage pour les forces spéciales qui grenouillent dans cette importante zone de transit trans-saharien.

Soldats nigériens et maliens avec l’armée américaine, le 28 octobre 2015. Crédits : U.S. Army RDECOM (licence CC)

Hub miliaire international

Mais les Français ne sont pas les seuls à installer leurs troupes dans le pays. Les États-Unis tendent actuellement à faire du Niger leur porte-avions terrestre pour agir dans la sous-région. Leurs drones sont présents à Niamey et le ministère de la Défense états-unien a confirmé que son pays construisait une piste d’atterrissage et les infrastructures associées à Agadez, au centre du pays (lefigaro.fr, 29/09/2016). Et ce n’est pas tout : l’Allemagne a annoncé vouloir faire de Niamey sa base d’appui pour son contingent déployé au sein de la MINUSMA, la force de maintien de la paix présente au Mali (jeuneafrique.fr, 05/10/2016). Cet arrivage massif de soldats étrangers passe mal au Niger, où le régime ne cesse de se durcir.

Répression

Parallèlement à cette ouverture aux intérêts militaires étrangers, le régime de Mahamadou Issoufou devient de plus en plus autoritaire. Dernier événement en date, la violente répression d’une grève étudiante au mois d’avril 2017, qui s’est soldée par la mort d’un manifestant (RFI, 11/04). De même, en plein scandale de « l’Uraniumgate » (cf Billets n°265, 02/2017), qui menace le pouvoir en place, le régime cherche a écarter les députés de l’opposition de la rédaction du rapport de la commission d’enquête dont ils étaient membres de droit (RFI, 27/04). De fait, le Niger risque de sombrer dans la spirale infernale où, sous prétexte de service rendu (ici militaire), la France et ses alliés ferment les yeux sur les dérives du pouvoir en place, à l’instar de ce qui prévaut à Djibouti. Pour les décideurs français, une fois de plus, la démocratie nigérienne ne pèse pas lourd face au sacro-saint principe de stabilité d’un régime.

Yanis Thomas

Si Areva a depuis longtemps diversifié son approvisionnement en uranium, la France reste en revanche « dépendante des seules mines du Niger pour son approvisionnement en uranium à usage stratégique militaire », comme l’indiquait un rapport du Sénat de 2013 sur « La place de la France dans une Afrique convoitée ».

Conclusion du même rapport : « L’enjeu de la politique économique de la France en Afrique est donc, entre autres, d’assurer un accès sécurisé aux ressources
énergétiques et minières dont elle a besoin. » Qui mieux que les militaires pour
y veiller ?

[1Déclenchée en août 2014, l’opération Barkhane s’étend officiellement sur la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. En réalité, elle déborde aussi sur le sud de la Libye et le nord du Nigéria. Rappelons que cette opération n’a jamais été validée par le Parlement français, en violation de l’article 35 de la Constitution.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 267 - mai 2017
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