Survie

Gabon : à l’attaque des Biens Mal Acquis des Bongo

rédigé le 1er février 2018 (mis en ligne le 16 avril 2019) - Thomas Bart

Mi-janvier, des militants gabonais ont mené des actions spectaculaire de réquisition.

Dans l’affaire dite des « Biens mal acquis » (BMA), la justice doit décider si l’immense patrimoine acquis en France par les chefs d’États de Guinée Equatoriale, du Congo Brazzaville et du Gabon ou leur entourage est bien le fruit d’un détournement – et d’un recel – de fonds publics. Le procès du fils du dictateur équato­guinéen a eu lieu en juin, débouchant sur une condamnation en première instance – dont il a fait appel – à trois ans de prison avec sursis et à 30 millions d’euros d’amende. Mais on attend toujours les procès concernant le Congolais Sassou Nguesso et le clan Bongo au Gabon. Dix ans après le dépôt de la plainte, et un an et demi après une nouvelle élection volée (cf. Billets n°271, octobre 2017), des Gabonais ont décidé de réquisitionner certains de ces BMA.

Première prise : le Pozzo di Borga

Samedi 13 janvier, des membres de la diaspora gabonaise ont investi le Pozzo di Borga, un hôtel particulier rue de l’université à Paris (7ème arrondissement), acheté en 2010 pour environ 100 millions d’euros. La facture s’élèverait autours de 200 millions en comptant les travaux de rénovation d’après les militants. D’après l’enquête des policiers français, les différentes sociétés civiles immobilières (SCI), propriétaires de cet hôtel de luxe, renvoient toutes vers l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, Maixent Accrombessi, et à son adresse de l’époque, le palais présidentiel de Libreville. Cet ancien bras droit d’Ali Bongo est aussi impliqué dans une autre affaire impliquant le groupe français Marck. En effet, déjà en août 2015, la justice française avait cherché à entendre l’ancien bras droit d’Ali Bongo dans le cadre de cette affaire, suite à une interpellation à l’aéroport de Roissy. La garde à vue avait été vite écourtée suite à une intervention de Laurent Fabius et des services du ministère des Affaires étrangères dans le but de le soustraire aux questions des enquêteurs français [1]. Mais depuis qu’Accrombessi ne réside plus au côté d’Ali Bongo à Libreville, ayant dû quitter le Gabon pour se faire hospitaliser en juillet 2016, il arrive moins à éviter le juge français Roger Le Loire. Celui-ci a pu ainsi l’entendre mi-janvier à Paris, après l’avoir déjà rencontré en juillet et novembre. Il a d’ailleurs été mis en examen en novembre dernier à Paris pour « corruption passive d’agent public étranger », « blanchiment en bande organisée de corruption passive », « faux et usage de faux ». Le président du groupe Marck, Philippe Belin, a aussi été mis en examen dans ce dossier en août dernier.

Deuxième prise : rue de la Baume

Quelques jours après l’action rue de l’université, le 17 janvier, les mêmes militants de la diaspora ont de nouveau investi un hôtel particulier lié au clan Bongo, cette fois-ci situé au 4 rue de la Baume, dans le huitième arrondissement. Celui-ci fait partie des immeubles acquis par l’ancien président Omar Bongo Ondimba entre la fin des années 1980 et son décès en 2009, en son nom propre ou à travers deux sociétés, la SCI Émeraude et la SCI de la Baume. Faisant partie des biens visés dans l’enquête de l’affaire dite des Biens mal acquis, l’actuel président gabonais et fils d’Omar Bongo, Ali, a décidé en 2015 de le céder à l’Etat gabonais… Vu que depuis plus de 50 ans il n’y a pas vraiment de séparation entre les biens de l’Etat Gabonais et les biens de la famille Bongo, cela ne fera pas de différence pour lui et son clan !

[1Voir le communiqué de Survie, « Bongo de retour à l’Elysée : un climat très françafricain » 14 septembre 2015

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 274 - février 2018
Les articles du mensuel sont mis en ligne avec du délai. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez-vous
Pour aller plus loin
a lire aussi