Début février, Emmanuel Macron s’alignait sur Donald Trump pour lancer un ultimatum au président venezuelien Nicolas Maduro. S’il ne laissait pas le pouvoir à son opposant, la menace d’une intervention militaire du « monde libre » était même évoquée. Ça fleurait bon la défense des droits de l’Homme et de la démocratie, la coalition de l’axe du Bien contre un régime autoritaire.
Si bien que quelques temps plus tard, quand le peuple algérien s’est soulevé contre la tentative de prolonger le spectacle de la marionnette Bouteflika une cinquième fois, on se serait attendu à une internationale de solidarité des mêmes États du Bien, tonitruant Jupiter en tête. La vague est venue de loin et a envahi toutes les villes d’Algérie. Les médias français évoquaient au début quelques centaines de manifestant.es quand une seule image de n’importe-quelle ville du pays, diffusée sur les réseaux sociaux, montrait des avenues où il ne restait plus la moindre place. Du jamais vu dans un pays où toute tentative de rassemblement était durement réprimée jusque là.
Mais le soutien aux peuples qui se soulèvent contre l’autoritarisme a visiblement des ressorts qui échappent au bon sens. Car la diplomatie française s’est faite soudainement muette sur le sort de l’ancienne colonie. Les communiqués cocoriquesques ont battu des records de platitude. Quand il est question de la momie d’outre-méditerranée, et des tenants (au sens propre) du régime, nul ultimatum ni débat sur la légitimité du pouvoir. Invitée sur France Culture, la sociologue Feriel Lalami Fates l’explique simplement : « L’État français et L’État algérien entretiennent de très bonnes relations sur tous les plans, économique, sécuritaire, diplomatique. »
Quand après plusieurs semaines d’une mobilisation historique, le ventriloque officiel de Bouteflika lui a fait annoncer le renoncement à un cinquième mandat (dont il n’aurait jamais été question), le gouvernement français s’est contenté de saluer la décision. Les rues d’Algérie ont bien relevé l’entourloupe : pour l’heure les élections sont suspendues sine die, Bouteflika reste, et surtout, le régime avec qui la France coopère si bien continue. Les algérien.nes n’attendaient rien de l’ancien colon, mais sont quand même en droit d’être déçu.es.
La France sait pourtant se montrer inventive lorsqu’un régime autoritaire connaît des rebiffades. Elle a d’ailleurs gardé de sa vieille tradition impériale, une troisième voie, récemment mise en œuvre au Tchad. Au moment exact où Macron s’érigeait en défenseur des opprimé.es au Venezuela, il ordonnait aussi le bombardement de colonnes rebelles qui tentaient de s’en prendre au président Idriss Déby. Dans ce pays où les armes sont une composante normalisée de la vie politique [1], la force française Barkhane a donc frappé une forme d’opposition à la dictature. Comme en 2008, la France colmate ainsi la dernière brèche dans le pouvoir de son meilleur ami tchadien, les voies dites « démocratiques » étant bouchées depuis longtemps. Un bien maigre débat a rapidement agité le parlement français, surtout sur la légalité de cette intervention. Autant dire que cette nouvelle marque d’amitié pour le pouvoir de Déby n’a pas ému outre mesure. Voilà, en tout cas de quoi, éclairer sous sa juste lumière le soutien politique et médiatique à l’opposition venezuelienne.
[1] Cf. Le métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l’entre-guerres, Karthala, coll. « Les Afriques », 2013