Survie

Mascarade électorale au Congo-Brazzaville

rédigé le 1er avril 2021 (mis en ligne le 8 juillet 2021) - Marie Bazin

Le 23 mars, Denis Sassou N’Guesso a été réélu à la tête du Congo-Brazzaville avec 88% des voix. Après déjà 36 ans au pouvoir, il entame ainsi son 4e mandat. La diplomatie française est restée silencieuse, pas de félicitations officielles, et seul le ministre délégué au commerce extérieur Frank Riester a représenté la France lors de l’investiture de Sassou N’Guesso le 16 avril. Une petite déception pour ce dernier, qui aurait préféré voir Macron à sa table. Mais derrière une apparente prise de distance diplomatique, le soutien français à la dictature reste fort. Celui-ci se matérialise notamment par une étroite coopération militaire, maintenue malgré la grossière modification de la constitution permettant depuis 2015 à Sassou Nguesso de rester au pouvoir sans limitation de mandats, et la répression sanglante des manifestations populaires s’opposant à ce projet. En 2017, la France se targuait par exemple de disposer d’un « conseiller spécial » auprès du ministre de la Défense [1]. Pas plus tard que le mois dernier, les autorités françaises indiquaient fournir un « appui au commandement et à l’organisation interarmées, en fournissant conseil et ingénierie de formation aux plus hauts niveaux de l’état-major général (CEMG) » congolais, et de former « plusieurs dizaines d’hommes et de femmes de la Force publique congolaise  » [2].
Par ailleurs, dans un pays quasiment en cessation de paiement, le soutien économique de la France reste déterminant pour le maintien au pouvoir de Sassou Nguesso. La France est ainsi un des principaux investisseurs au Congo et se targue d’être le premier donateur d’aide publique au développement bilatérale [3]. Dans le même temps, l’exploitation pétrolière bat son plein : il y a dix-huit mois, le pays annonçait la découverte d’un gisement onshore qui pourrait faire quadrupler la production nationale, assurer de juteux bénéfices à Total, déjà à la fête dans le pays, et fournir de nouvelles ressources à la présidence à vie de Sassou Nguesso.
La répression en cours dans le pays ne semble pas véritablement gêner la poursuite de ces relations militaires et économiques entre la France et le Congo-Brazzaville. La situation est pourtant grave, comme le dénonce Amnesty International dans un rapport publié le 19 avril. Selon Fabien Offner, porte-parole d’Amnesty : « On a eu plusieurs cas de défenseurs des droits humains, tout récemment, avant l’élection présidentielle, qui ont été détenus arbitrairement et qui sont toujours aujourd’hui en prison. On a eu des syndicalistes étudiants qui ont même été arrêtés en dehors du Congo, pour être ramenés au Congo, et qui auraient, selon toute vraisemblance, subi des tortures. On a des journalistes, également, qui ont été mis à pied, après avoir posé certaines questions dérangeantes à des ministres concernant la gestion de la crise du Covid-19...  » (RFI, 19/04/2021). Arrêté le 11 mars dernier, Alexandre Dzabana, coordonnateur de la Plateforme congolaise des ONG des droits humains et de la démocratie et membre de la coalition Tournons La Page Congo, est toujours détenu arbitrairement.
Sans pressions internationales, la situation n’est pas prête de changer pour la population congolaise. Mais si la France était préoccupée par la situation des droits de l’Homme au Congo, cela se saurait, et elle n’aurait sans doute pas envoyé son ministre délégué au commerce extérieur, Frank Riester, à l’investiture de Sassou N’Guesso...
Marie Bazin

[1cf. site de l’Ambassade de France dans le pays

[2Idem.

[3Dossier pays sur le Congo Brazzaville du site du Ministère des Affaires étrangères.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 306 - avril 2021
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