Survie

TOUTE HONTE BUE

rédigé le 20 novembre 2021 (mis en ligne le 8 février 2022) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

L’inénarrable Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, a fait une longue interview dans Le Monde le 19 novembre. Une fois n’est pas coutume, nous en publions des extraits sans les commenter, tant ses propos sont une perle d’hyprocrisie et de déni et se suffisent à eux-mêmes... Amusez-vous à remplacer "la Chine" ou "la Russie" par "la France" et "la milice Wagner" [1] par "les mercenaires français" et vous obtiendrez une dénonciation en règle de tous les mécanismes bien connus de la Françafrique, passés comme actuels.

Questionné sur les effets de la pandémie sur les relations internationales, il répond :
« Nous constatons non seulement la brutalisation des rapports, mais aussi une véritable course à la puissance, aggravées par une compétition des modèles. Nos concurrents n’ont ni tabous ni limites : ils projettent des milices privées partout, détournent des avions, font exploser des satellites, ils subordonnent des peuples, siphonnent des ressources sur certains continents, je pense à l’Afrique, en obligeant les pays concernés à crouler sous l’endettement. Il faut agir maintenant, sinon l’histoire ne nous attendra pas. »

A propos des partenaires de la France au Sahel  :
« Au Tchad, il n’y a pas eu de coup d’Etat, mais une mort au combat. Ça n’a rien à voir avec ce qui se passe au Mali. Un processus de transition est en cours et n’empêche pas le Tchad de tenir ses engagements dans le cadre de la force conjointe du G5. Le dialogue national, annoncé par le président Mahamat Déby, est en train de se mettre en place et va aboutir à des échéances électorales. Au Burkina Faso, le président, Roch Marc Christian Kaboré, a été réélu dans des conditions reconnues par tous comme globalement normales. Il en va de même avec les présidents Mohamed Bazoum, au Niger, et Mohamed Ould Ghazouani, en Mauritanie. Il faut également les soutenir.
Il est vrai qu’en Afrique beaucoup d’Etats sont fragilisés, ce qui se traduit par une perte de souveraineté. Ils font confiance à des partenaires extérieurs pour assurer leur sécurité ou ce qu’ils pensent être leur développement économique alors qu’il s’agit souvent de prédation. C’est le cas avec la Chine, mais aussi d’autres pays, comme la Russie en République centrafricaine [RCA]. Je vois aussi ce qui se passe en Ethiopie, au Soudan mais aussi au Mozambique. Dans ce contexte, il est très important que la présidence française de l’UE puisse, au moment du sommet UE-UA [Union africaine] prévu en février 2022, porter un nouveau deal entre l’Afrique et l’Europe, dans la continuité, notamment, du sommet sur le financement des économies africaines que le président Macron a tenu en mai.
Sans cela, nous irons vers les dislocations, les affrontements, les prédations et les guerres par procuration. Nous sommes attendus. Si nous ratons ce rendez-vous, nous aurons des remplaçants. C’est maintenant qu’il faut jouer cette carte-là. »

A propos de la présence chinoise en Afrique :
« Les responsables africains se sont rendu compte qu’il s’agit d’un marché de dupes : certes, ils ont pu bénéficier dans l’immédiat d’infrastructures, parfois spectaculaires, construites par des Chinois avec l’argent des Africains dans le but affiché du développement, mais, à la fin, ils mettent leur pays sous tutelle en raison de l’endettement majeur qu’ils sont obligés de contracter pour financer ces infrastructures. De la même manière, le comportement de Wagner

éveille chez beaucoup d’acteurs des suspicions, voire des hostilités, y compris en RCA. On sait bien que Wagner se sert sur la bête avec les ressources minières, qu’il ne respecte pas le droit, viole ses engagements, sans garantir pour autant la sécurité de l’Etat. »

[1Le groupe Wagner est un groupe militaire privé russe, officieusement lié au Kremlin, qui serait actuellement présent au Mali pour participer à la "lutte contre le terrorisme". Des mercenaires de Wagner sont également présents en Centrafrique et en Libye.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 312 - nov-dec 2021
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